L'armée afghane fourbissait ses armes à la périphérie de Kunduz mardi, avant la contre-offensive qu'elle compte lancer pour reprendre cette grande ville stratégique du Nord aux talibans, victorieux pour la première fois depuis la chute de leur régime en 2001.
Les soldats afghans et les renforts arrivés la veille, dont des forces spéciales, ont pris leurs quartiers à l'aéroport de Kunduz, ville stratégique de par sa position entre Kaboul et le Tadjikistan, après leur cinglante débâcle lundi.
Surmenée, l'armée afghane ne peut plus guère compter sur l'appui des forces étrangères de l'Otan dont les 13.000 soldats encore déployés dans le pays se limitent à conseiller et former leurs homologues afghans.
Les insurgés islamistes n'ont eu besoin que de quelques heures pour s'emparer de Kunduz, occuper les bureaux du gouverneur provincial et libérer "des centaines de détenus" de la prison municipale, dont certains de leurs frères d'armes, comme l'a amèrement regretté Sayed Sarwar Hussaini, porte-parole de la police provinciale.
Les insurgés islamistes sont coutumiers du fait. Il y a deux semaines, ils ont libéré des centaines de leurs frères d'armes d'une prison du centre de l'Afghanistan.
- L'ennemi est dans la ville -
Sur place, les talibans ont très vite incité les habitants de Kunduz à reprendre une "vie normale", signe de leur volonté de gagner les coeurs de la population civile, tout en continuant à attaquer les forces gouvernementales.
La prise de cette ville, l'une des plus grandes du pays avec ses 300.000 habitants, dont des centaines ont fui face à l'avancée des talibans, a un impact d'autant plus grand qu'elle est intervenue lundi tout juste un an après l'avènement du gouvernement d'union nationale du président Ashraf Ghani, élu sur la promesse de ramener la paix dans son pays déchiré par plus de 30 ans de conflit, dont 14 ans avec les talibans.
"Oui, l'ennemi est dans la ville et s'est emparé de la prison et d'autres bâtiments officiels, mais des renforts sont en train d'être déployés et nous allons reprendre la ville", a asséné Sediq Sediqqi, porte-parole du ministère de l'Intérieur.
Mais les talibans ont déjà déplacé la bataille sur le terrain du symbolique. Leur porte-parole Zabihullah Mudjahid a publié sur Twitter une photo montrant des combattants hissant le drapeau blanc du mouvement à un rond-point du centre-ville.
"C'est le chaos. Je ne peux pas vous parler, j'embarque à bord d'un hélicoptère pour partir", a lancé à l'AFP Safiullah, un élu local.
Les talibans ont également "pris le contrôle de l'hôpital municipal de Kunduz, qui compte 200 lits", a indiqué un responsable tribal.
Un responsable du ministère de l'Intérieur a évoqué un bilan de deux policiers, 4 civils et 25 talibans tués dans les combats et l'ONG Médecins sans Frontières, qui dispose d'un centre de soins à Kunduz, a dit traiter "des dizaines de personnes blessées".
- "Une vie normale" -
Mais cette "grande victoire", comme l'a qualifiée le chef des talibans, le mollah Akhtar Mansour, signe surtout l'affirmation de son autorité, d'abord mise à mal par la famille de son prédécesseur, le mollah Omar, en raison de la rapidité de sa désignation cet été.
"Nous ne pourrons peut-être pas tenir la ville sur le long terme, mais (cette opération) est une réponse à l'assertion du gouvernement afghan que nous sommes uniquement en position de force dans la zone frontalière du Pakistan", à l'est de l'Afghanistan, a reconnu devant l'AFP un commandant taliban installé à Peshawar, au Pakistan.
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