La chute du dictateur Mouammar Kadhafi en 2011 avait suscité l'euphorie chez les artistes libyens longtemps censurés, mais quatre ans plus tard la guerre civile a brutalement mis fin à ce printemps culturel.
"Aujourd?hui, nous avons perdu toute source d'inspiration. Le moment n?est pas propice à la création", déplore Marii Tillissi, artiste peintre quinquagénaire connu pour ses toiles hyperréalistes.
Dans un pays déchiré par les combats entre factions rivales et une société qui se referme sur elle-même, les artistes sont entrés en hibernation forcée.
A Tripoli, capitale de plus d'un million d'habitants, il n'y a plus aujourd'hui qu'une seule galerie d'art, Dar al-Founoun - Art House. Située sur une grande artère du centre-ville, à quelques pas de ce qui fut le palais du Roi Idriss, elle passe presque inaperçue pour ceux qui ne la connaissent pas.
-Dernier refuge-
Après la fermeture des autres galeries, elle est devenue le dernier refuge pour les artistes qui s'y retrouvent pour échanger autour d?un café ou d?un thé.
"Entre les coupures d'électricité et d'eau, les pénuries d'essence et le départ de nombreux artistes avec leurs familles à cause de l'insécurité, il est difficile d'organiser des activités culturelles dans le contexte actuel", reconnaît Emad Bash-Agha, directeur des relations publiques d'Art House.
"Tout est au ralenti à Tripoli depuis plus d'un an, si ce n'est au point mort", ajoute-t-il.
"C'est bien plus qu'une pause", confie à l'AFP l'un des fondateurs d'Art House, Khalifa al-Mahdaoui.
Les espoirs étaient pourtant immenses après la chute de Mouammar Kadhafi. Durant des années, le dictateur avait coupé les ailes des artistes, forçant toute création à servir sa gloire.
Des inspecteurs du régime, arborant de fausses montres de marques à l'effigie de Khadafi et des chaussures en faux python, apparaissaient ainsi dans les galeries avant les vernissages pour vérifier le contenu des expositions, se souviennent des artistes.
Le régime privilégiait l'art réaliste jugé moins subversif et contestataire que l'art abstrait. Nombre d'artistes furent contraints à l'exil. D'autres pratiquèrent à contre-coeur l'autocensure.
- Effervescence -
Dans les années 1990, le fils de Kadhafi, Seif el-Islam, s'enticha de peinture et de poésie et poussa son père à desserrer l'étau sur les arts. Mais la véritable libération eut lieu à la chute du dictateur.
"Le monde des arts en Libye a alors connu une telle effervescence créative. Du jamais vu!", se souvient Marii al-Tillissi.
Les Tripolitains, artistes ou pas, s'adonnèrent au street art, couvrant les murs de leurs villes de graffitis à la gloire de la Libye.
Expositions, conférences et salons culturels se multiplièrent.
Impressionnée par ce bouillonnement créatif, l'organisation Noon Arts fondée par Najlaa Elageli, une Libyenne vivant à Londres, a permis à des artistes comme la peintre Najla al-Fitouri et la céramiste Hadia Gana de continuer à exposer largement à l'international.
A Tripoli, Doshma, étonnante galerie/café dédiée à l'art contemporain ouvrit ses portes en 2013 dans un bâtiment d'avant-garde alliant un container orange, utilisé durant la Révolution contre Kadhafi, à de grands espaces vitrés --symboles de transparence-- et un toit d'aluminium en forme d'arche.
Les fondateurs de Doshma, Muftah Abudjaja, et l'association Libya Design y exposèrent douze artistes contemporains émergents.
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