Les Catalans votaient dimanche pour un scrutin jugé "historique" qui pourrait porter au pouvoir une coalition décidée à mener cette riche région d'Espagne à l'indépendance en moins de deux ans.
Les bureaux de vote ont ouvert à 9h00 (7h00 GMT). A Barcelone, aux balcons parsemés des drapeaux jaune, rouge et bleu des indépendantistes, les kiosques affichaient des journaux aux titres évocateurs alors que, selon les sondages, les Catalans pourraient envoyer une majorité d'élus indépendantistes au parlement régional.
"L'avenir de la Catalogne en jeu", annonçait le journal catalan La Vanguardia. "Seny" (bon sens en Catalan), implorait le conservateur ABC, tandis qu'El Pais (gauche) évoquait des "élections régionales historiques".
Mariano Rajoy, le président conservateur du gouvernement espagnol, a fait personnellement campagne jusqu'au dernier jour, appelant les électeurs catalans à rétablir la "normalité" et dressant la liste des catastrophes qui, selon lui, les guettent en cas d'indépendance: hausse brutale du chômage, effondrement des retraites, exclusion de l'Union européenne.
Un an après l'Ecosse, la Catalogne, comptant 7,5 millions d'habitants, doit choisir ses députés et dire s'ils doivent lancer la procédure de divorce.
Ses habitants, très partagés, pourraient aussi opter pour la prudence, donnant leurs voix à un éparpillement de partis du "non", comme le Parti populaire au pouvoir (PP, droite), Ciudadanos (centre-droit), les socialistes, l'antilibéral Podemos.
"L'avenir de nos enfants et de nos petits-enfants est en jeu", a clamé vendredi la dirigeante locale du PP Alicia Sanchez Camacho.
"Notre peuple est arrivé aux portes de la liberté () j'avais promis à mon grand-père qu'un jour nous y arriverions", a lancé avec émotion devant une foule en liesse Oriol Junqueras, chef du mouvement indépendantiste historique ERC (Gauche républicaine de Catalogne).
- 'Pas l'Ecosse' -
La Catalogne "n'est pas l'Ecosse", souligne l'historien Carlos Andres Gil: "On ne parle pas d'un territoire secondaire pour le pays, mais de la région la plus industrialisée. Et Barcelone a toujours été une capitale bien plus cosmopolite que Madrid".
Si la Catalogne s'en va, elle emporte avec elle un cinquième du PIB de l'Espagne, quatrième économie de la zone euro, un quart de ses exportations. L'éventualité inquiète banquiers et entrepreneurs, qui ont appelé au dialogue. Le président américain Barack Obama, le Premier ministre britannique David Cameron et la chancelière allemande Angela Merkel ont également eux souhaité l'unité.
La population catalane a des liens étroits avec le reste du pays: trois quarts des Catalans ont un grand-père d'ailleurs.
Mais, à la faveur de la crise et des médiocres relations avec le pouvoir central, le nationalisme de nombreux Catalans fiers de leur culture a viré à l'indépendantisme.
Il a été alimenté par les personnalités en présence: Mariano Rajoy et la figure de proue du mouvement, le président catalan sortant Artur Mas.
Le premier s'est battu pour faire amender le statut d'autonomie renforcée que la Catalogne avait gagné sous le précédent gouvernement socialiste et lui retirer son titre de "nation". Il a eu gain de cause en 2010, quand le Tribunal constitutionnel a décidé que le titre n'avait aucune valeur juridique.
Le second en a fait un casus belli, comme de nombreux Catalans rendus amers par une répartition de l'impôt national, injuste selon eux.
Depuis 2012, Artur Mas n'a cessé de réclamer un référendum d'autodétermination, semblable à ceux réalisés au Québec ou en Ecosse, sans succès.
Après une consultation symbolique le 9 novembre 2014 à laquelle ont participé 2,3 millions de personnes, il a finalement décidé d'avancer les élections régionales, prévues fin 2016.
Faute de référendum, M. Mas a rassemblé l'essentiel du camp indépendantiste - droite et gauche, en passant par les associations - dans une seule liste, "Junts pel si", "Ensemble pour le oui", et appelé les électeurs à valider son programme: mener la région vers la "liberté" en 2017.
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