"Lentement ! En rangs par deux !". Les ordres des policiers, criés en anglais par mégaphone, viennent troubler la quiétude habituelle du samedi matin à Strosinci, petite bourgade proche de la frontière serbo-croate.
Ils tentent d'organiser le transfert des milliers de migrants arrivés en 24 heures.
Ce village de 250 habitants de l'extrême sud-est de la Croatie, aux confins de la Serbie et de la Bosnie-Herzégovine, n'en revient pas. Sa population a décuplé en l'espace d'une douzaine d'heures. Selon un policier, 3.000 personnes sont arrivées entre 13H00 vendredi et le petit matin.
Curieux, voire amusés, certains assistaient samedi matin à la sortie du village au passage des colonnes de migrants rejoignant la noria de bus qui devaient les conduire à la gare ferroviaire de Spacva, la commune voisine.
"Moi je ne peux pas les regarder, ça me ferait pleurer", confie Pero Kopsalic, retraité de 72 ans qui habite non loin de là. "Nous aussi, on a dû quitter nos maisons lors de la guerre et lors des inondations (de 2014). Ca me fait de la peine. J'avais froid dans mon lit hier soir, alors eux"
Les migrants ont passé la nuit sur la route par laquelle ils sont arrivés, à côté d'un champ de maïs desséché à quelques centaines de mètres du village.
Ils ont été transportés en bus depuis la Serbie jusqu'à ce coin reculé, à 25 kilomètres du plus proche poste frontière officiel avec la Croatie, à Lipovac.
"On était à Belgrade et des gens du HCR (Haut Commissariat aux Réfugiés) nous ont dit de prendre ces bus", raconte Mydia, ingénieure kurde qui a quitté la Syrie récemment avec sa famille. "Les bus nous ont déposé à un kilomètre et on nous a dit +Allez-y. Au bout, c'est la Croatie+. Arrivés ici, on a vu deux policiers qui étaient surpris de nous voir et qui nous ont dit de nous arrêter. Et puis 20 bus sont arrivés, et puis d'autres. Et puis beaucoup de policiers", a-t-elle ajouté.
- Tensions serbo-croates -
Ahmed Sajjad Haqpana est arrivé dans la nuit. Il a traversé la Serbie dans la journée. "On était à la frontière macédonienne. On nous a fait monter dans un bus vers 11H00 et on est arrivé ici à 23H00", raconte cet étudiant afghan de 21 ans.
Près de 10.000 migrants sont entrés en Croatie vendredi, ce qui constitue un nouveau record sur une journée, a annoncé Zagreb. Le gouvernement croate accuse la Serbie de diriger les migrants quasi exclusivement vers son territoire au lieu de les orienter également vers la Hongrie et la Roumanie. En signe de protestation, les autorités croates avaient fermé cette semaine leur frontière aux véhicules serbes, avant de lever ce blocage vendredi sous la pression de l'Union européenne.
A Strosinci, les policiers locaux s'activent pour évacuer le flot inattendu vers la petite gare de Spacva, où un train attend les migrants.
Là aussi, on pare au plus pressé. Une dizaine de bénévoles improvisent une distribution d'eau et de nourriture: débordés, ils distribuent bouteilles d'eau, pain, pommes, carottes entières aux centaines de bras qui se tendent par les fenêtres des wagons du train spécial. Quelques policiers viennent prêter main forte.
"Où allons-nous ?", interrogent sans cesse les migrants. Les policiers éludent la question avant de lâcher la destination, après trois heures passées à les faire monter dans le train. Ce sera Botovo, près de la frontière hongroise.
Le signal sonore du train résonne. Le convoi de onze wagons se met en branle lentement. Quatre autres bus de migrants attendent dans la petite gare de campagne. Ces réfugiés seront probablement acheminés par la route vers le camp voisin d'Opatovac. Et Strosinci passera peut-être un dimanche plus paisible.
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