A petits pas, ajustement après ajustement, le gouvernement poursuit cette année encore son objectif de faire oublier les hausses massives d'impôts de début de quinquennat. Mais la fiscalité des ménages, certes un peu plus redistributive, n'a pas gagné en cohérence.
Deux milliards d'euros. Fin août, François Hollande a pris tout le monde par surprise en annonçant une nouvelle baisse de l'impôt sur le revenu. Avec les deux précédentes diminutions, c'est un total de 6 milliards d'euros qui aura été "rendu" aux Français.
Ces réductions ont eu un effet "assez redistributif au total puisque l'essentiel des hausses (de 2011 à 2013) ont touché les plus hauts revenus, en particulier les 20% des plus hauts revenus, et encore plus les 5% des plus hauts revenus", explique à l'AFP Antoine Bozio, directeur de l'Institut des politiques publiques.
S'appuyant sur des modélisations économiques, il estime que l'augmentation parallèle du RSA et des allocations de rentrée scolaire ont permis de "compenser la hausse de TVA" pour les ménages modestes.
Pour Vincent Drezet, secrétaire général de Solidaires Finances publiques, principal syndicat des impôts, il y a eu en effet des "mouvements pour faire gagner en progressivité l'impôt sur le revenu", comme l'adjonction d'une tranche à 45% en 2012 ou la suppression de la première tranche en 2015.
Le ministre des Finances Michel Sapin se dit d'ailleurs "de ceux qui revendiquent cette politique de justice fiscale". "Le problème des mesures de justice fiscale, c'est qu'elles ont plutôt tendance à faire payer plus à ceux qui gagnent plus", ironise-t-il.
Au bout du compte, les augmentations d'impôts ont donc bien été concentrées sur les catégories les plus aisées, au point d'attirer les critiques de l'opposition, pour qui elles handicapent ceux qui investissent.
Mais pour M. Drezet, dans son ensemble, "le système fiscal n'est pas devenu plus progressif". L'augmentation de la TVA, explique-t-il, touche davantage les ménages modestes qui épargnent moins. Quant aux impôts locaux, ils ont augmenté.
De ce point de vue, certains exemples sont plus spectaculaires que d'autres, et beaucoup de Français à qui on avait promis une "pause fiscale" sont certes moins sollicités par l'Etat mais plus par leurs communes.
- Source majeure d'injustice -
Au-delà, le gouvernement a également mené une réforme de la fiscalité des revenus du capital, revenus qui sont l'apanage des moins modestes. Mais l'alignement partiel de leur fiscalité sur celle des revenus du travail a en réalité donné des résultats très variables.
La réforme ne porte pas sur tous les revenus du capital: "tout ce qui est considéré comme relativement populaire, qui touche beaucoup de monde, les livrets d'épargne, l'assurance-vie, l'immobilier, a été peu touché", observe M. Bozio.
Elle ne taxe pas non plus autant que prévu les plus-values mobilières après le "rétropédalage" de Bercy fin 2012, lorsque la mesure avait été contestée par les créateurs de start-ups.
Or, relève Antoine Bozio, le système rectifié, est non seulement très complexe, ouvrant "une possibilité d'optimisation fiscale très forte", mais de plus il n'a pas "d'impact redistributif", alors que les plus-values mobilières sont concentrées sur "les 1% des plus hauts revenus".
"Ce qu'il y avait derrière la grande réforme fiscale promise par Hollande, c'était de redonner de la cohérence à notre système, ça, ça n'a pas été fait du tout", regrette l'économiste.
Or selon les économistes, la complexité est une source majeure d'injustice.
"Même avec le plafonnement des niches (à 10.000 euros, ndlr), (l'impôt) reste compliqué, instable et assez injuste, parce que les niches fiscales bénéficient surtout aux plus aisés comme la défiscalisation de certains placements", argumente M. Drezet.
"On a en France un impôt très compliqué, qui laisse énormément de possibilité pour le gouvernement d'avoir un pouvoir discrétionnaire: c'est terrible car il peut changer l'impôt chaque jour", explique Philippe Aghion, économiste à Harvard et nommé au Collège de France.
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