"Alexandre Dhaussy n'est pas un fou de Dieu. Il est un fou." Le jeune homme écoute son avocat plaider son irresponsabilité pénale, qui lui épargnerait les assises pour avoir poignardé au nom de l'islam un militaire près de Paris, en 2013.
"Sa main a été conduite par sa folie", "ce qu'il a d'un terroriste, c'est la barbe!", poursuit Alain Mamère lors d'une audience jeudi devant la cour d'appel de Paris, sous les yeux du chasseur alpin Cédric Cordiez, poignardé au cou pendant une patrouille à La Défense dans le cadre de Vigipirate.
Devant la chambre de l'instruction, le ministère public s'est rangé à cette thèse d'une abolition du discernement de ce Francilien de 24 ans, réclamant son internement en psychiatrie en raison de "troubles mentaux, nécessitant des soins et compromettant la sécurité des personnes". L'avocat du militaire, Philippe Lecoyer, a concédé que "malheureusement, il n'y (aura) vraisemblablement pas de procès" pour le jeune homme détenu à l'isolement.
Moins un islamiste radical qu'un malade mental? Durant l'instruction, les psychiatres ne se sont pas accordés. Jeudi encore, deux sont venus défendre l'abolition du discernement -l'un évoquant une bipolarité, l'autre une schizophrénie-, pendant qu'une cons?ur penchait pour une simple altération, qui permettrait un procès. La cour tranchera le 5 novembre.
Dans le box, chemise blanche impeccable, barbe drue non taillée, Dhaussy écoute la litanie de ses échecs: scolarité ratée, relations familiales exécrables, parcours professionnel erratique. Les experts évoquent son "potentiel de violence", son "indocilité à pouvoir être dans un groupe normalement organisé d'élèves", ses "troubles de la personnalité qui évoluent vraisemblablement depuis l'enfance", sa "grande froideur".
Dhaussy ferme ses yeux clairs, semble d'abord calme. Le visage s'éclaire parfois d'un joli sourire, affable. Pour échanger quelques mots, il prend son avocat par le cou, presque avec tendresse. Et explose soudain, véhément quand Me Mamère plaide: "Ni hôpital, ni prison! Défends juste la vérité!"
- "Il y a un problème chez moi" -
Il interpelle l'avocate générale: "Vous ne me connaissez pas madame!", "Je vois que vous n'avez que des certitudes! Je vois que vous n'avez aucune question!". Le président lui intime le silence: "Comment ça se passe si je ne suis pas d'accord ?" L'expulsion? "Ca va pas se passer correctement", prévient Dhaussy. Avant de sortir, un expert prévient la cour: "Quoi qu'il en soit, il est dangereux". Cette fois, Dhaussy sourit.
La syntaxe est correcte, le propos incohérent: "La vérité, on va dire qu'elle est fractionnée. Moi je considère que l'islam est la vérité", "je réfléchis à ce que je juge être la vérité, je fais des recherches" et ensuite "j'essaie de me conforter par les actes". Mais souvent "la situation ne va pas avec la réflexion que je m'étais faite". Et de se dire prêt à répondre aux magistrats s'ils ont "des questions intéressantes".
Le psychiatre Daniel Zagury évoque le "chaos" dans la tête de Dhaussy qui ferait partie de cette "petite minorité" d'islamistes radicaux "franchement pathologique". Le praticien relève la propension d'"un certain nombre de malades mentaux (à) se saisir de l'air du temps". Naguère, ils furent révolutionnaires ou anarchistes, "aujourd'hui ils sont jihadistes". L'expert met en garde contre le maintien en prison, avec un "passage à l'acte sur un codétenu, un surveillant, un membre du personnel médical".
"C'est vrai qu'il y a un problème chez moi", dit Dhaussy. Converti en 2008, rapidement radicalisé selon sa famille, il explique vouloir "pratiquer (sa) religion de la manière la plus complète", mais ne "pas vraiment" y parvenir, ne pas réussir "à être vraiment parfait" comme Dieu le lui "a demandé".
"Je ne suis pas quelqu'un de violent", "je suis capable du pardon", dit-il devant Cédric Cordiez, incrédule quand Dhaussy lâche: "Dans d'autres circonstances, on aurait pu être amis."
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