Signant un retour en force, le maire socialiste de Lille Martine Aubry a exprimé mercredi sans détours le malaise, voire la colère d'une partie de la gauche en cette rentrée à l'égard de la politique gouvernementale, disant son "ras-le-bol" d'Emmanuel Macron.
Très discrète depuis le printemps, y compris dans les débats du congrès socialiste de Poitiers au mois de juin, l'ex-première secrétaire, à l'évidence décidée à ne pas se laisser marginaliser, a lâché les chevaux lors d'une conférence de presse de deux heures consacrée surtout à son action et ses projets municipaux.
"J?ai toujours été là, je n'ai pas besoin de renaître, j?essaie d?être utile là où je suis", a affirmé Martine Aubry, dont l'étoile avait pâli depuis la défaite de "son" candidat à la direction de la fédération PS du Nord en juin dernier.
Le maire de Lille s'est livrée à une violente charge contre le ministre de l'Economie, Emmanuel Macron, à demi désavoué seulement par Manuel Valls dimanche dernier pour avoir dit que l'emploi à vie garanti par le statut des fonctionnaires n'était "pas justifiable".
"Macron Comment vous dire ? Ras-le-bol! ras-le-bol, voilà! () Je supporte de moins en moins à la fois l'arrogance et une ignorance de ce que vivent les gens aujourd'hui", s'est exclamée l'ex-numéro deux du gouvernement Jospin, interrogée sur le ministre poil à gratter du gouvernement.
"Le sujet du statut de la fonction publique est un sujet dont on peut débattre. On a besoin d'expliquer aux Français le bien-fondé de la sécurité de l'emploi et peut-être de dire que l'ensemble de la fonction publique a besoin de ce statut qui est une protection contre la corruption et une garantie d'un Etat fort", a commenté pour l'AFP Juliette Méadel, porte-parole du PS.
"Maintenant, le sujet est clos du point de vue des politiques qui seront engagées jusqu'à la fin du quinquennat. Il n'y a pas de sujet la dessus", a-t-elle ajouté.
Dans la foulée, Mme Aubry s'en est prise au projet du gouvernement, endossé par Manuel Valls, de "modifier le Code du travail, pour accroître la précarité", ce qui relève selon elle d'"une espèce d'idéologie du passé". "Comment voulez-vous que les gens ne soient pas inquiets ?".
Au chef du gouvernement qui, la veille, avait exhorté tous les socialistes à satisfaire "l'exigence de responsabilité" pour gouverner, l'ex-rivale de François Hollande pour la présidentielle de 2012 a répondu indirectement: "le meilleur moyen de réunir la gauche, c'est de faire une politique qui réponde aux attentes des Français et aux valeurs de la gauche, qui redonne un sens à ce qu'on fait".
Signataire de la même motion au congrès de Poitiers que Manuel Valls et ses ministres, le maire de Lille les a accusés de "ne pas respecter" le vote interne sur ce texte qui réclamait des aides aux entreprises mieux ciblées et une inflexion de la politique économique, notamment par un soutien à la demande.
- "Garder la Région à gauche" -
"La question qui se pose au Premier ministre et aux ministres qui l'ont signée, c'est: comment avez-vous pu signer un texte devant les militants et aujourd'hui, dire que vous n'allez pas l'appliquer ?", les a-t-elle interpellés. Peu après ce congrès, Manuel Valls s'était prononcé contre "les zigzags", confirmant le cap de l'exécutif.
Disant n'avoir "jamais joué contre (son) camp", Mme Aubry n'a guère épargné que François Hollande. "Je veux que le président de la République réussisse", a-t-elle dit. Mais deux proches du président, Michel Sapin, ministre des Finances, et Bruno Le Roux, chef des députés PS, ont été épinglés par Mme Aubry.
Elle a toutefois décerné quelques bons points au gouvernement qui, "quand il a voulu améliorer la compétitivité des entreprises (), a réussi à rétablir les marges" des entreprises. Cette action avait été entamée à Matignon par Jean-Marc Ayrault, salué par Martine Aubry car partisan comme elle d'une réforme fiscale profonde.
Ces critiques acerbes répondent aussi sans doute au souci de remobiliser l'électorat, historiquement très populaire, des socialistes du nord de la France, auxquels le Front national a taillé des croupières aux élections départementales de mars.
"Il faut garder cette région à gauche", a insisté Martine Aubry. Son premier adjoint à la Ville, Pierre de Saintignon, qui conduira la liste socialiste aux régionales de décembre et auquel elle a apporté un soutien appuyé, a déjà dit qu'il mettrait nettement le cap à gauche dans sa campagne.
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