C'est le premier jugement en application de la loi adoptée après l'affaire Cahuzac: la justice a partiellement reconnu mercredi la culpabilité de l'ex-ministre de la Francophonie Yamina Benguigui pour des omissions dans ses déclarations de patrimoine et d'intérêts mais l'a dispensée de peine.
"Les éléments matériel et intentionnel des délits poursuivis () sont constitués et Yamina Benguigui devra être déclarée coupable desdits délits", écrit le tribunal dans son jugement que l'AFP a pu consulter.
Il l'a en revanche relaxée d'une partie des poursuites, à savoir le non-dépôt à la Haute autorité pour la transparence de la vie publique "d'une déclaration de modification substantielle de son patrimoine".
"Compte tenu de l'absence de toute condamnation () sur son casier judiciaire, de son parcours professionnel et politique et du dépôt d'une déclaration rectificative, même tardivement", il y a lieu "d'accorder à Mme Benguigui une dispense de peine", tranchent les juges.
Lors du procès, le 8 juillet, une peine de quatre mois avec sursis et 15.000 euros d'amende avaient été requis par le procureur Jérôme Marilly.
Les avocats de la ministre, Antoine Vey et Eric Dupond-Moretti, avaient réclamé sa relaxe en plaidant la bonne foi de leur cliente, piégée par "une loi d'urgence complexe" que de nombreux parlementaires avaient jugée "inapplicable".
Le parquet a annoncé à l'AFP qu'il faisait appel du jugement de même qu'un avocat de la prévenue, Me Eric Eric Dupond-Moretti.
"J?observe que le tribunal correctionnel de Paris a validé notre travail comme l?enquête de police, en reconnaissant la culpabilité de Mme Benguigui sur quatre des cinq chefs de poursuite", s'est félicité dans un communiqué Jean-Louis Nadal, président de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique.
"Le tribunal a constaté des non déclarations d?actifs en Belgique pour plusieurs centaines de milliers d?euros que l?intéressée aurait dû déclarer en 2012 en tant qu?adjointe au maire de Paris et en 2013 comme en 2014 en tant que ministre", souligne M. Nadal.
- "C'est la loi qu'on devrait changer" -
Il s'agit du premier jugement rendu en application de la loi pour la transparence de la vie publique, adoptée après la découverte début 2013 du compte bancaire caché à l'étranger de l'ex-ministre du Budget Jérôme Cahuzac. Cette loi oblige ministres, parlementaires et certains élus locaux à déclarer leur patrimoine, et vise aussi à prévenir d'éventuels conflits d'intérêts.
A ce jour, onze dossiers ont été transmis à la justice par la Haute Autorité, chargée du contrôle des déclarations. Outre Mme Benguigui, ils concernent neuf parlementaires dont les députés Les Républicains Bernard Brochand et Patrick Balkany ou le sénateur LR Serge Dassault, et une élue locale LR, Isabelle Balkany.
"Il y a certes eu des omissions dans les déclarations de Mme Benguigui mais pas de volonté de dissimulation, c'est la complexité des textes qui nous a amenés là", a réagi auprès de l'AFP Me Dupond-Moretti en soulignant que l'ancienne ministre "a tout déclaré à l'administration fiscale".
Pour l'avocat, "c'est la loi que l'on devrait changer. Créée pour complaire aux tenants de la transparence, elle est devenue un machin ingérable. Comme d'autres, ma cliente a été mal conseillée par une cellule spéciale du gouvernement. Notre législation a le chic pour engendrer des monstres de papier dont personne ne se sort".
Lors de l'audience, le procureur avait estimé les infractions pleinement caractérisées tout en relativisant l'enjeu du dossier.
"Il n'est question ici ni d'enrichissement personnel, ni de paradis fiscal, ni de compte en Suisse. Mme Benguigui n'est pas accusée de malhonnêteté", avait-il reconnu. "Mais nous avons affaire à une ministre à qui les règles ont été rappelées. Et la légèreté n'est pas un argument, une excuse recevable", avait-il considéré.
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