Pressés par l'urgence, les ministres de l'Intérieur de l'UE ont adopté mardi au forceps une répartition de 120.000 réfugiés, mais au prix d'une fracture avec plusieurs pays de l'Est toujours hostiles à ce mécanisme de solidarité entre Européens face à une crise migratoire sans précédent.
"La décision sur la relocalisation de 120.000 personnes (a été) adoptée par une large majorité d'Etats membres", a annoncé la présidence luxembourgeoise sur Twitter après une réunion qui n'a duré que trois heures.
Mais le ministre tchèque de l'Intérieur Milan Chovanec a aussitôt précisé sur Twitter, au nom des frondeurs, que son pays, la Hongrie, la Roumanie et la Slovaquie avaient voté contre. La Finlande, quant à elle, s'est abstenue.
"Très bientôt, nous allons découvrir que le roi est nu. Le bon sens a perdu aujourd'hui !", a déploré M. Chovanec.
Plusieurs pays, la France en tête, auraient préféré ne pas avoir à procéder à un vote, privilégiant l'unanimité. Mais, même s'ils ont réussi à convaincre la Pologne de rejoindre leur camp, leurs efforts sont restés vains face aux autres nations farouchement opposées à toute idée de quotas contraignants.
Les détails de l'accord sur lequel se sont résolus à voter les ministres ne sont pas encore connus.
Selon des sources proches des négociations, la proposition initiale de la Commission pour la répartition de 120.000 réfugiés a été remaniée pour convaincre des pays de l'Est, vent debout contre tout quota obligatoire.
Le texte sur lequel planchaient mardi après-midi les ministres ne faisait ainsi plus référence au caractère "contraignant" des quotas de répartition, pourtant cher à la Commisison européenne .
Mais "tout texte adopté par le Conseil est forcément obligatoire", a souligné une source européenne, expliquant que le débat sémantique était surtout lié à la crainte de certains Etats de créer un précédent et d'ouvrir la voie, à l'avenir, à un mécanisme permanent de répartition, sans plafond du nombre des réfugiés concernés.
Autre modification : les réfugiés à "relocaliser" ne viendraient plus que d'Italie et de Grèce, les autres Etats prenant acte de la volonté de la Hongrie de ne pas être concernée par le dispositif.
Et il n'y aurait plus de "compensation financière" à verser pour les Etats qui ne seraient pas en mesure, provisoirement, d'accueillir leur contingent de réfugiés.
- Question de souveraineté -
Pour répondre aux demandes des plusieurs pays européens inquiets des conséquences budgétaires de l'accueil des migrants, Bruxelles pourrait aussi considérer la crise comme une "circonstance exceptionnelle", ouvrant ainsi la voie à des dépassements de déficits publics, a indiqué le commissaire aux Affaires économiques Pierre Moscovici.
L'UE semble par ailleurs décidée à dégager une aide financière plus importante aux pays frontaliers de la Syrie (Turquie, Jordanie, Liban) qui hébergent près de quatre millions de réfugiés.
Au total, un million de demandes d'asile pourraient être déposées en 2015 dans les pays de l'Union européenne, selon l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) qui, dans un rapport annuel sur les migrations, évalue à "350.000 à 450.000" le nombre des personnes qui devront bénéficier d'une protection, dont un quart sont des enfants, selon l'Unicef.
Pour l'instant, alors que les 28 Etats membres de l'UE ne sont appelés à se répartir que 120.000 personnes, les migrants sont déjà quatre fois plus à avoir rallié l'Europe depuis janvier, selon le Haut-commissariat de l'ONU aux réfugiés (HCR).
La réunion ministérielle de Bruxelles sera suivie mercredi d'un sommet extraordinaire des chefs d'Etat ou de gouvernement, concentré notamment sur l'aide à apporter aux pays tiers pour endiguer le flux de demandeurs d'asile, et qualifié de "dernière chance" par le HCR.
"L'Europe a connu d?autres crises. Mais là, d'une certaine façon, c?est sa raison d?être et son fonctionnement même qui sont en cause", a jugé mardi le chef de la diplomatie française Laurent Fabius dans un entretien avec plusieurs journaux européens.
"Si on n?agit pas vite, les risques d?explosion sont réels et considérables", a-t-il averti.
- Une crise qui va "durer" -
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