"Faire entrer un éléphant dans une boîte à chaussures", tel est le dilemme des municipalités qui se veulent plus transparentes dans l'attribution des logements sociaux et sont submergées de demandes, confrontées à des situations de grande détresse et soupçonnées de pratiquer le "piston".
Attribuer les logements sociaux de manière "plus partenariale" et mieux gérer la demande est l'un des thèmes en discussion au 76e Congrès de l'Union sociale de l'habitat (USH) qui fédère 750 bailleurs sociaux, de mardi à jeudi à Montpellier.
L'an dernier sur la commune de St-Denis (Seine-St-Denis) où 7.500 familles attendent un logement social, seules 198 en ont obtenu un auprès de la municipalité.
Comme à Paris où 70% des ménages sont éligibles à un logement social et où les loyers du privé ont flambé de 42% en dix ans, les dossiers s'empilent et l'attente dure des années.
"On essaie de faire entrer un éléphant dans une boîte à chaussures", explique à l'AFP Philippe Caro, adjoint au maire (PCF) au logement.
Ce matin-là, il participe, avec des gestionnaires du bailleur social Plaine Commune Habitat et des représentants d'associations, à une séance de la commission d'attribution de logements sociaux ouverte à la presse, ce qui n'est pas fréquent.
Taille du logement, composition de la famille, montant des revenus, taux d'effort, "reste pour vivre" (la somme journalière, par personne, qui reste une fois le loyer déduit des ressources), "décohabitation" (départ du logement des parents), "mutation" (passage d'un logement HLM à un autre) une série de critères sont examinés au pas de charge.
Après un premier tri informatique des dossiers, seuls trois dossiers sont sélectionnés par une "commission de sélection", puis la "commission d'attribution" en accepte un.
Comment sont-ils sélectionnés ? "C'est un équilibre assez subtil de critères: on regarde l'ancienneté de la demande, la suroccupation du logement actuel, le fait que la famille n'a jamais eu de proposition" explique Laurent Russier, vice-président de Plaine Commune Habitat.
"Il y a aussi une part de connaissance du dossier: j'ai reçu telle personne, je sais que l'appartement correspond à ses besoins. C'est vrai qu'il y a une part de subjectivité, même s'il y a des orientations très fortes", admet-il.
- "Des garde-fous" -
Pour ne rien simplifier, chaque financeur du logement social dispose d'un contingent de logements à attribuer en contrepartie de son engagement financier.
Or chacun établit ses critères prioritaires: les victimes de "violences conjugales avérées" pour la municipalité, les familles qui résident déjà dans le parc HLM pour Plaine Commune Habitat, qui peut ainsi relouer les logements libérés, les salariés pour Action logement (ex 1% Logement) dont c'est la cible, et les familles classées prioritaires Dalo (40.000 en Ile-de-France), pour le préfet.
"Le système qui apparaît beaucoup trop complexifié, ce qui génère des doutes sur une égalité de traitement. Et la pénurie de logements sociaux génère beaucoup de souffrance sociale, de frustrations, d'incompréhensions", souligne Stéphane Peu, qui préside Plaine Commune Habitat.
Selon lui, les organismes HLM se doivent de "faire l'effort de montrer comment cela fonctionne, pour faire reculer le soupçon d'opacité sur les attributions de logements".
De son côté, la Ville de Paris aura, le 1er octobre, un an de recul sur le "scoring", un système de cotation qui permet de hiérarchiser les demandes en attribuant des points à chaque demandeur en fonction de critères prédéfinis.
"L'histoire de Paris a été émaillée par une série de scandales en matière d'attribution de logements sociaux: il était nécessaire de mettre des garde-fous", explique Ian Brossat, adjoint PCF au logement de la maire de Paris, Anne Hidalgo.
Les dossiers sont anonymisés et les séances d'attribution, chaque vendredi, seront ouvertes au public à compter du 9 octobre.
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