"Aujourd'hui on se sent cheminot à 100%": plusieurs centaines de Chibanis marocains, embauchés par la SNCF dans les années 70, ont obtenu gain de cause. Le Conseil des Prud'hommes de Paris a condamné lundi la compagnie ferroviaire pour discrimination.
La fourchette des dommages et intérêts va de "150.000 à 230.000 euros" par personne, selon Abdelkader Bendali, professeur marocain au côté des plaignants, ce qui pourrait coûter à la SNCF autour de 150 millions d'euros.
Plus de 800 cheminots de nationalité ou d'origine marocaine avaient déposé des recours estimant avoir été lésés dans leurs carrières et leur retraite et la quasi-totalité a obtenu satisfaction.
La SNCF est condamnée pour "discrimination dans l'exécution du contrat de travail" et "dans les droits à la retraite", selon un jugement consulté par l'AFP.
La décision a été communiquée en présence de quelque 150 personnes. Après avoir ouvert un premier jugement parmi les 800, l'avocate des cheminots chibanis (cheveux blancs en arabe) Clélie de Lesquen s'est tournée en relevant les poings. Le silence a laissé place aux applaudissements et quelques cris: "Vive la République, vive la France, vive la justice!"
Emus, les cheminots sont restés plus d'une heure dans la salle à partager leur joie.
Le professeur Bendali a salué une "immense satisfaction, une reconnaissance morale". Il a expliqué que parmi les "déboutés" figuraient quelques dossiers prescrits et une dizaine de travailleurs détachés par les chemins de fer marocains.
Selon Me de Lesquen, il s'agit de "très belles décisions".
Les avocats de la SNCF n'ont pas souhaité s'exprimer immédiatement. Compte tenu du nombre de dossiers, les décisions seront notifiées individuellement aux plaignants à partir du 23 octobre et la SNCF aura alors un mois pour faire éventuellement appel.
- "Cela ne répare pas ma santé" -
Recruté comme contractuel en 1972, Ahmed Katim a fondu en larmes: "C'est une énorme satisfaction, la dignité pour les Marocains" et "la fin d'un combat de 15 ans", a-t-il dit.
Mohamed Ben Ali, 65 ans, encore en activité, a confié "se sentir aujourd'hui cheminot à 100%". "C'est une grande chose: ils reconnaissent la différence que la SNCF a faite entre nous et les Français".
De son côté, Abdelhadi Fedfane, 66 ans, entré comme contractuel en 1974, parti à la retraite en 2010 "cassé des pieds à la tête" se dit "très heureux" même si "cela ne répare pas ma santé, d'autres sont morts".
Sa carrière c'était "toujours dehors, sur les voies" à assembler les wagons. "On formait les jeunes mais on restait auxiliaires, ils nous disaient +Vous n'avez droit à rien+, ça cassait le moral", confie-t-il.
Embauchés comme contractuels, donc avec un CDI de droit privé, ces agents à la retraite, ou proches de l'être, ne relèvent pour la plupart pas du statut particulier des cheminots, plus avantageux, réservé aux ressortissants européens et aux jeunes embauchés.
Les 832 requêtes avaient été examinées en mars, après pour certains dossiers dix ans d'attente. Les conseillers prud?homaux n'ayant pas réussi précédemment à se mettre d'accord, un juge professionnel avait été appelé pour les départager.
Les plaignants réclamaient chacun en moyenne 400.000 euros de dommages et intérêts.
A l'audience, l'avocat de la SNCF avait pointé "l'imprécision" des recours et la "parfaite légalité" de la "distinction" entre agents au statut et contractuels, qui relèvent pour les premiers d'une caisse de retraite spécifique".
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