L'Assemblée nationale a approuvé jeudi, malgré des incertitudes sur le coût final pour la France, l'accord avec la Russie traduisant l'annulation de la vente de deux navires de guerre Mistral à Moscou, en raison de son implication dans la crise ukrainienne.
"Le gouvernement, me semble-t-il, a géré le mieux possible une situation dfficile, en préservant nos intérêts diplomatiques et financiers", a déclaré aux députés le ministre des Affaires étrangères Laurent Fabius.
Dans un hémicycle dépeuplé, le projet de loi d'approbation de l'accord a été adopté par 13 voix contre 8, avec deux abstentions. Il sera soumis au Sénat le 30 septembre.
Les députés socialistes, écologistes et radicaux de gauche l'ont soutenu, l'UDI s'est abstenue, les Républicains, le Front de gauche et l'extrême droite ont voté contre.
En vertu de l'accord conclu le 5 août entre Paris et Moscou après huit mois d'intenses négociations, le gouvernement français a annoncé le versement aux autorités russes d'une somme légèrement inférieure à un milliard d'euros, correspondant aux avances qui avaient été versées par la Russie pour l'acquisition des deux navires, dont le prix d'achat devait s'élever à 1,2 milliard. Quelque 949,7 millions ont été versés par la Banque de France à la Banque centrale russe.
Le total des indemnisations qui reviendra au constructeur des navires, le groupe DCNS, devrait grimper à 1,1 milliard (frais de gardiennage et de maintien en état opérationnel), a récemment indiqué le secrétaire général de la Défense et de la Sécurité nationale, Louis Gautier, lors d'auditions parlementaires à huis clos. Le coût final pour le budget de l'Etat dépendra du montant de l'éventuelle revente des bâtiments.
Le chef de la diplomatie française n'a pas donné de chiffres jeudi, alors que la droite juge sous-estimée la facture annoncée par l'exécutif.
La décision de vente des Mistral, qui remonte à 2011 sous la présidence de Nicolas Sarkozy, relevait "d'un pari risqué", a estimé M. Fabius, qui a rappelé notamment la crise ukrainienne et "l'annexion illégale de la Crimée" depuis.
Le "règlement à l'amiable" qui a été négocié l'a été "en pleine indépendance" et "dans un esprit de responsabilité" de la France, a affirmé le locataire du Quai d'Orsay, alors qu'un arbitrage international aurait été "hasardeux" et sans doute "plus coûteux".
Las, Gilbert Collard (FN) a vilipendé un accord "en catimini", montrant qu'"on est aux ordres, à la botte des Américains". "Qui va payer l'addition finale, qui sera salée?", a-t-il interrogé, chiffrant à 300 millions d'euros la perte lors d'une éventuelle revente de ces bâtiments de projection et de commandement, au vu des propositions de l'Egypte notamment.
Pour Les Républicains, Nicolas Dhuicq, qui s'est proclamé "gaulliste", a critiqué "un nouveau camouflet adressé à la Fédération de Russie" et une "tache sur la parole de la France".
Au nom du Front de gauche, Patrice Carvalho a déploré que Paris "s'aligne sur les positions atlantistes héritées de la guerre froide" et une "hypocrisie" d'une France exportant "du matériel militaire à de nombreuses régimes autoritaires, à commencer par l?Arabie saoudite".
Plusieurs souverainistes de droite et de gauche et défenseurs du régime de Moscou sont montés au créneau, comme Nicolas Dupont-Aignan (DLF) jugeant que "la France n'est plus la France", ou Jean-Luc Laurent (MRC) critiquant un accord "perdant sur le plan économique et politique".
A l'inverse, la présidente de la commission des Affaires étrangères de l'Assemblée, Elisabeth Guigou (PS), a voulu croire que l'accord, "obtenu assez aisément", permettra de "consolider notre amitié avec la Russie" et "de développer dans le même temps des liens amicaux avec d'autres pays", dont la Pologne.
Le premier secrétaire du Parti socialiste Jean-Christophe Cambadélis a relevé dans la matinée à la radio que la France était "dans une phase de désescalade vis-à-vis de la Russie", les accords de paix de Minsk sur l'Est séparatiste prorusse en Ukraine étant "respectés".
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