Au plus fort du trafic, ils étaient une quarantaine, certains cagoulés ou filant sur des scooters sans plaques, pour tenir le principal "supermarché de la drogue" de Marseille: 27 d'entre eux, petites mains et grands dealers présumés, se sont retrouvés mercredi au tribunal.
Extrait de sa prison, Nordine Achouri, 33 ans, la tête présumée de ce réseau, a écouté avec attention la juge brosser le portrait rapide de ce trafic, qui a fait l'objet de trois ans d'enquête dans les quartiers nord de la ville.
Cet homme mince à la barbe soignée, surnommé "Nono" par ses affidés, est considéré par les enquêteurs comme le chef d'un trafic qui rapportait plusieurs dizaines de milliers d'euros par jour à la Tour K et place du Mérou, au c?ur de la cité de la Castellane, plaque tournante de la drogue à Marseille.
La police n'y est pas la bienvenue, a rappelé la juge, narrant l'une des rares surveillances à découvert menées par les policiers dans ce dossier, qui s'est soldée par un fiasco: les policiers ont dû faire demi-tour face aux dealers qui "gardaient" l'entrée de l'une des tours.
Derrière la sobriété du détenu, qui a comparu vêtu d'une veste grise sans manches sur une chemise, un homme qui a mené grand train, se payant prostituées, voitures de luxe, une Rolex et même un cheval, le tout en liquide: il n'utilisait pas de compte bancaire.
"Mon client n'est pas un chef de réseau", "on n'a pas de preuves, que des rumeurs et des renseignements anonymes", affirme pourtant son avocat, Philippe Vouland.
- Pistolets au congélateur -
Selon l'enquête, Nordine Achouri, qui a échangé mercredi quelques regards et sourires complices avec ses co-prévenus assis dans la salle, aurait pourtant blanchi une partie des revenus du trafic dans deux bars et snacks marseillais.
Rémunérateur, le métier n'est toutefois pas sans risque, et Nordine Achouri, alors même que les policiers sont sur ses traces, est victime d'une tentative de règlement de comptes, le 10 avril 2013.
Rien à voir avec le trafic, prétend-il devant les enquêteurs: on a simplement cherché à "l'humilier" par jalousie, sans vouloir le tuer. Nordine Achouri n'a pas porté plainte mais, s'est ensuite procuré armes et gilet pare-balles.
Lors d'une perquisition chez lui, les policiers découvriront d'ailleurs deux pistolets automatiques Glock, dont les numéros de série ont été limés, cachés dans son congélateur.
Au total, 28 personnes (l'une d'entre elles est en fuite et ne s'est pas présentée à l'audience) ont été renvoyées devant le tribunal, des petites mains du trafic, nourrices qui gardaient la drogue chez elles ou guetteurs, jusqu'aux lieutenants de Nordine Achouri.
Les juges ont débuté mercredi par les auditions de nourrices, qui gardaient chez elles drogue, argent et armes pour le compte des trafiquants. La première s'est murée dans le silence.
Un classique dans un quartier qualifié de "forteresse" par les enquêteurs, où se joue une lutte sanglante entre trafiquants rivaux. Le coup de filet mené en juin 2013, qui a permis de saisir 1,3 million d'euro dans la cité et a mené au procès qui s'est ouvert mercredi n'y aura d'ailleurs pas porté un coup fatal.
Ce "n'est qu'un coup de pied dans la fourmilière" du trafic de drogue à Marseille, et pas l'affaire "emblématique" dont on a pu parler, clame Dominique Mattei, l'avocat d'un lieutenant de "Nono".
Les récents coups de filet visant des réseaux de trafiquants à Marseille et la présence policière accrue ne sont qu'un moyen de "remettre le couvercle sur la cocotte-minute", abonde une source policière.
Du côté de la préfecture de police, on souligne que "plusieurs opérations judiciaires de grande envergure" ont été menées à la Castellane pour démanteler des réseaux, tandis que la présence policière est renforcée. L'endroit "reste prioritaire dans le cadre de l'action policière" car "le terrain suscite des convoitises", souligne-t-on.
Le procès doit durer de deux à trois semaines.
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