S'inquiétant d'un possible conflit d'intérêts, près de 150 économistes appellent les parlementaires à s'opposer à la nomination à la Banque de France de l'ancien directeur général délégué de BNP Paribas, François Villeroy de Galhau, dont la candidature au poste de gouverneur a été proposée par l'Elysée la semaine dernière.
Dans une tribune publiée mardi par Le Monde et consultable en ligne, des personnalités du monde économique et de la société civile, parmi lesquelles des grands noms de l'économie comme Thomas Piketty ou François Bourguignon, soulignent qu'étant donné "les enjeux de pouvoir et d'argent qu'il véhicule, le secteur bancaire est particulièrement propice aux conflits d'intérêts".
"L'expérience de François Villeroy de Galhau lui confère à n'en pas douter une excellente expertise du secteur bancaire, au moins autant qu'elle l'expose à un grave problème de conflit d'intérêts et met à mal son indépendance", estiment les signataires de cette tribune, écrite à l'initiative des universitaires Jézabel Couppey-Soubeyran et Laurence Scialom et de la chercheuse Anne-Laure Delatte.
"Il est totalement illusoire d'affirmer qu'on peut avoir servi l'industrie bancaire puis, quelques mois plus tard, en assurer le contrôle avec impartialité et en toute indépendance", selon eux.
La candidature de François Villeroy de Galhau a été proposée par l'Elysée la semaine dernière pour succéder à Christian Noyer, dont le mandat de gouverneur s'achève fin octobre. Cette année pour la première fois, le candidat retenu sera auditionné par des commissions parlementaires, qui pourront s'y opposer à la majorité des trois cinquièmes.
L'audition de M. Villeroy de Galhau devant les commissions des finances de l'Assemblée nationale et du Sénat est prévue le 29 septembre.
Son entourage a fait savoir à l'AFP qu'il ne pouvait pas s'exprimer publiquement avant cette audition mais a souligné que la supervision du secteur avait été transférée à Francfort depuis fin 2014 et que le gouverneur n'était pas directement impliqué dans les décisions individuelles concernant les banques.
- 'Promotion interne' -
Les signataires de la tribune, qui demandent aux parlementaires de "ne pas approuver" sa nomination, estiment que d'autres candidatures étaient possibles, notamment, sans le nommer directement, celle du représentant français au directoire de la Banque centrale européenne, Benoît Coeuré, dont le nom avait circulé pendant plusieurs mois pour succéder à M. Noyer.
A Francfort, si on ne fait pas de commentaires sur la nomination de M. Villeroy de Galhau, le maintien en poste de M. Coeuré, très respecté, est bien accueilli.
En France, les économistes signataires de la pétition ont regretté qu'"à l'expertise indépendante ou à la promotion interne, François Hollande (ait) préféré l'ancien banquier, énarque et inspecteur des finances. Nos gouvernants sont-ils à ce point prisonniers des intérêts financiers qu'ils laissent à la finance le pouvoir de nommer les siens aux fonctions-clés des instances censées la réguler?", demandent-ils.
L'économiste Jacques Attali a pris sa défense sur Twitter, estimant qu'"en ces temps difficiles, Francois Villeroy sera un grand gouverneur de la Banque de France : compétent et indépendant".
Ancien conseiller de Pierre Bérégovoy à Bercy puis à Matignon, puis directeur de cabinet de Dominique Strauss-Kahn et de Christian Sautter à Bercy, de 1997 à 2000, M. Villeroy de Galhau a travaillé ces douze dernières années pour la banque BNP Paribas, dont il est devenu le directeur général délégué en 2011.
Sa démission en mai pour mener une mission gouvernementale concernant le financement de l'investissement en France et en Europe avait été interprétée par plusieurs observateurs comme une rampe de lancement pour la Banque de France et une manière de désamorcer les critiques concernant un éventuel conflit d'intérêt.
Dans une lettre envoyée aux présidents de commissions que s'est procurée, l'AFP, M. Villeroy de Galhau s'est engagé à couper tout lien financier avec BNP Paribas en cas de nomination (bonus différé, stock-options) et à ne participer à aucune décision individuelle concernant la banque dans les deux ans suivant son départ du groupe.
"Le goût du service public ne m'a jamais quitté", écrit-il, estimant "avoir toujours montré une forte attention à l'éthique" dans ses fonctions et que ces dispositions assurent qu'il n'existe pas "d'intérêt privé de nature à influencer () l'exercice indépendant, impartial et objectif de (ses) responsabilités".
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