Le chalutage illégal à grande échelle auquel se livrent des navires étrangers au large des côtes somaliennes, un temps infestées de pirates, menace des ressources essentielles à l'économie locale et pourrait pousser à nouveau les communautés côtières vers la piraterie, selon une fondation américaine.
Les bateaux de pêche industrielle étrangers ont provoqué "un épuisement des stocks, une perte de revenus pour les Somaliens et des violences contre les pêcheurs locaux", souligne dans un rapport Secure Fisheries ("Protéger la Pêche"), un programme de la fondation américaine One Earth Future, spécialisée dans la prévention des conflits.
Cela risque, avertissent les auteurs du rapport, "de provoquer un soutien local à un retour de la piraterie", phénomène ayant pris son essor au milieu des années 2000 au large de la Somalie, où la surpêche illégale par des navires étrangers, profitant de l'absence d'Etat et du chaos ambiant, avait poussé de nombreux pêcheurs à rejoindre les gangs de pirates.
Le déploiement d'une armada occidentale et diverses mesures prises par les armateurs - dont la présence de gardes armés à bord - ont eu largement raison de la piraterie somalienne ces dernières années.
"La pêche illégale a servi de prétexte aux bandes criminelles pour passer d'une posture défensive aux attaques armées et à la piraterie", rappelle John Steed, responsable de Secure Fisheries dans la Corne de l'Afrique.
Or, "la situation est revenue à ce qu'elle était, avec un grand nombre de navires étrangers pêchant à nouveau dans les eaux somaliennes et le danger est réel que le cycle complet de piraterie reprenne", avertit-il.
Les pirates somaliens expliquaient initialement attaquer les bateaux étrangers pour protéger leurs zones de pêche, avant de s'en prendre ensuite à des bateaux de plaisance et à des navires marchands, dont des pétroliers, et à leurs équipages pour obtenir des rançons.
Signe d'un regain d'activité, ils ont réussi en mars dernier leur première prise depuis trois ans: un bateau de pêche iranien, qui chalutait illégalement dans les eaux somaliennes.
Les "conditions qui ont favorisé l'émergence de la piraterie" sont de nouveau réunies, avait alors estimé Alan Cole, du Bureau de l'ONU contre la drogue et le crime (UNODC).
A l'apogée de leur puissance, en 2011, les pirates somaliens détenaient plus de 700 otages et plus de 32 navires marchands, freinant sérieusement l'activité maritime dans la Corne de l'Afrique.
Entre 2009 et 2011, plus de 150 bateaux étaient attaqués chaque année, et près de 120 avaient été capturés en trois ans. En 2012, les pirates n'étaient parvenus à s'emparer que de quatre navires et d'aucun depuis. Les attaques avaient quasiment disparu en 2013 et 2014.
- L'Iran et le Yémén les plus répresentés -
La pêche illégale, qui avait chuté avec la multiplication des attaques de pirates, est repartie à la hausse ces dernières années à mesure que les pirates, eux, perdaient du terrain.
Selon les estimations du rapport, qui s'appuie sur de nombreux entretiens et des images satellitaires, les bateaux étrangers remontent annuellement quelque 132.000 tonnes de poisson, soit trois fois plus que les pêcheurs somaliens dont les prises sont d'environ 40.000 tonnes annuelles.
La valeur des prises étrangères est cinq fois supérieure à celle des pêcheurs somaliens (306 millions de dollars contre 58 millions).
Surtout, la pêche étrangère illégale met en danger la pérennité des stocks de poissons dans les eaux somaliennes. "Les stocks halieutiques des eaux somaliennes, d'une grande importance économique, sont exploités à des niveaux insupportables", avertissent les auteurs du texte.
Les chalutiers étrangers qui pêchent illégalement "prélèvent à leur capacité maximum les stocks de thon, d'une haute valeur commerciale, ne laissant aucune place aux Somaliens pour tirer profit de leurs riches eaux maritimes", ajoutent-ils.
L'Iran et le Yémen sont les pavillons les plus représentés dans les eaux somaliennes mais des navires européens et asiatiques y font également "des prises significatives", selon le rapport.
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