"Au bout du rouleau", "en grande détresse", les éleveurs, étranglés par la crise, se rabattent actuellement sur les aides conjoncturelles mais sont loin d'être rassurés, et bon nombre se retrouvent dans une situation inextricable.
En Bretagne, terre d'élevage, 30% des éleveurs de porcs sont dans une situation difficile, mais surtout 10% sont "en très très grande difficulté, leur avenir est en jeu", explique Jacques Jaouen, président de la chambre d'agriculture de Bretagne.
Dans la région, 1.472 dossiers de demande de Fonds d'allègement des charges (FAC), dispositif d'aide mis en place par le gouvernement, ont été déposés à ce jour, selon la préfecture, et 137 déjà payés.
Ils sont classés dans les cellules de crise en trois niveaux d'urgence: critique, alerte et conjoncturel, explique André Sergent, président de la chambre d'agriculture du Finistère. 12 à 15% des éleveurs de porcs du département entrent dans la catégorie des dossiers critiques, précise-t-il.
Soit plus d'une centaine, "de très gros élevages, mais aussi de très petits, il n'y a pas de modèle type", note M. Sergent. Selon lui pour ces élevages, des aides telles que les FAC, "ça ne va rien changer". Car l'origine du problème, la distorsion de concurrence entre producteurs européens qui soumet les éleveurs à la loi du marché, est toujours là. "Ce qu'il faut c'est un prix du marché en corrélation avec nos coûts de production", rappelle André Sergent.
Et de prévenir que si la crise actuelle concerne principalement les éleveurs de porcs, pour le lait "il faut faire attention, on démarre la crise, là depuis deux mois et pour les mois à venir, le 1er semestre 2016, on nous annonce rien de bon".
- "La déception est massive" -
Les agriculteurs sont d'autant plus abattus que deux réunions, le 3 septembre à Paris et le 7 à Bruxelles, n'ont pas apporté de réponse à long terme à la crise agricole, que ce soit au plan national ou européen.
"Les gens sont au bout du rouleau, si les politiques ne prennent pas en main les choses ça va être catastrophique", assure Joël Limouzin, vice-président de la FNSEA. Après le rendez-vous manqué de Bruxelles, "la déception est massive", considère-t-il, à quelques jours de l'ouverture du Salon international des productions animales (SPACE), à Rennes, qui risque de se dérouler dans un climat tendu.
Pour aider les agriculteurs, la solidarité tourne à bloc dans les campagnes et des associations comme "Solidarité paysans", qui tentent de venir en aide aux agriculteurs les plus en difficulté, ont vu les demandes affluer.
"Nous avons eu les six premiers mois de 2015 autant de nouveaux appels que sur toute l'année 2014", témoigne Elisabeth Chambry, directrice de "Solidarité Paysans" pour le Morbihan, les Côtes-d'Armor et l'Ille-et-Vilaine. "Nous avions déjà eu des pics, mais on va battre tous les records", explique-t-elle.
Certains agriculteurs en difficulté peuvent s'orienter vers la reconversion, mais dans des situations désespérées, la crainte que certains craquent n'est jamais très loin.
Si le sujet du suicide est encore assez tabou dans le monde agricole, une étude publiée en 2013 par l'Institut national de veille sanitaire (INVS), réalisée avec la Mutuelle sociale agricole (MSA), faisait état de 485 suicides chez les agriculteurs entre 2007 et 2009, en faisant la troisième cause de décès de cette population.
"Un excès significatif de suicides a été observé chez les hommes exploitants agricoles à partir de 2008, comparativement à la population générale de même âge. Cette surmortalité par suicide est de 28 % en 2008 et de 22 % en 2009", relevait cette étude dont la mise à jour est attendue en décembre prochain. Une surmortalité qui touchait plus particulièrement les hommes de plus de 45 ans et les filières d?élevage bovins-lait et bovins-viande. Et de préciser : "Ces observations coïncident avec la temporalité des problèmes financiers rencontrés dans ces secteurs sur la période d?étude".
Pour preuve, dans le Finistère, où une cellule d'écoute téléphonique afin de prévenir les suicides des agriculteurs existe depuis plusieurs années, un accroissement des appels s'est fait sentir depuis cet été, relève André Sergent.
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