Des centaines de milliers d'indépendantistes - 520.000 à 1,4 million selon différents bilans officiels - ont célébré vendredi dans la rue la journée nationale de la Catalogne, la Diada, persuadés de son caractère "historique", quinze jours avant un scrutin centré sur la sécession, au grand dam de Madrid.
Une large flèche jaune portée par des militants a fendu la foule, peu après 17h00 (15H00 GMT) sur cinq kilomètres dans la deuxième ville d'Espagne, pour aller s'emboîter dans une scène blanche, triangulaire. Un symbole évoquant, selon les organisateurs, l'élan vers une république indépendante, défaite du joug du royaume d'Espagne.
Les partisans d'un nouveau pays se sont succédés à la tribune, telle Liz Castro, éditrice et écrivain américaine qui a scandé en anglais: "We want our independent state" ("Nous voulons un Etat indépendant").
"In inde independencia!", scandait la foule de 520.000 et 550.000 participants selon la préfecture qui représente le pouvoir central, 1,4 million selon la police catalane.
Souvent euphoriques, portant les enfants dans les bras ou sur les épaules, les manifestants arboraient des drapeaux catalans rouge et or, tel Nicolas Liendo, 39 ans: "C'est avec joie que nous voulons bâtir une nouvelle république catalane, sans roi, sans pouvoir central qui nous traite comme de mauvais enfants", a dit ce chef d'un restaurant de Barcelone.
Laura Alastruey, 24 ans, était venue de la ville de Vic, en moto avec son copain, pour soutenir pacifiquement "la création d'un pays catalan" et défendre sa langue. "Cela relève d'un sentiment: je ne m'identifie pas à l'Espagne".
Dans la soirée, le président de l'exécutif catalan Artur Mas est sorti de son rôle institutionnel pour s'exprimer comme candidat pro-indépendance: "nous avons un peuple en marche", pacifiquement, a-t-il dit, avant de déclarer à l'intention du gouvernement espagnol: "Abandonnez cet orgueil impérial, arrêtez les menaces (..) après tant de manifestations, nous avons le droit d'être écoutés".
M. Mas et ses colistiers forment une coalition indépendantiste, du centre droit à la gauche radicale. Ils présentent les élections régionales du 27 septembre comme un plébiscite, pour ou contre leur projet de conduire la Catalogne vers la sécession en seulement 18 mois.
- Rancoeurs -
Depuis 2012, la région n'a eu de cesse de réclamer un référendum, sur le modèle des consultations sur la souveraineté du Québec et de l'Ecosse - qui s'étaient soldées par la victoires du non.
Le président du gouvernement espagnol, Mariano Rajoy (Parti populaire, PP, conservateur), l'a toujours refusé, faisant valoir qu'il revient à tous les Espagnols de se prononcer sur l'unité du pays.
Mais le PP qu'il dirige prend désormais très au sérieux ce scrutin. Les visites de ministres se succèdent dans la région de 7,5 millions d'habitants qui représente 19% du PIB de l'Espagne et d'où partent 25% des exportations.
Jeudi à Barcelone, le ministre des Affaires étrangères Jose Manuel Garcia Margallo avait surpris en se disant favorable à une réforme constitutionnelle avec davantage d'autonomie fiscale pour la Catalogne. Il a été démenti vendredi par son collègue de l'Intérieur Jorge Fernández Díaz, qui a tranché que ce n'était "pas en ligne avec la position officielle du parti".
La Catalogne a accumulé les rancoeurs depuis 2008, sur fond de crise et d'austérité. Elle n'a pas accepté qu'en 2010, le Tribunal constitutionnel rabote la large autonomie accordée par le parlement espagnol en 2006.
Selon les sondages, les deux listes indépendantistes - "Junts pel si" et celle la CUP (extrême-gauche) - obtiendraient une majorité absolue en sièges au parlement catalan (68 à 74), sans pour autant réunir la moitié des voix (44 à 46%).
Or M. Mas affirme que 68 sièges suffisent pour lancer le processus devant aboutir à une déclaration unilatérale d'indépendance d'ici 2017.
Bon nombre de Catalans regardent avec inquiétude ce processus: "Je me sens de Barcelone mais pas de la nation catalane ni de la nation espagnole", dit ainsi Joan Madorell, architecte paysagiste de 51 ans. Pour lui, "c'est un scandale que Madrid refuse le référendum" d'autodétermination mais "c'est également un scandale que Mas et ses colistiers organisent des élections en disant que même sans obtenir une majorité de voix, ils se sentiront les vainqueurs".
En Europe, la chancelière allemande Angela Merkel et le Premier ministre britannique David Cameron ont récemment marqué leur soutien au gouvernement espagnol, se prononçant pour l'unité de l'Espagne.
Envie d'afficher votre publicité ?
Contactez-nousA lire aussi
Envie d'afficher votre publicité ?
Contactez-nous
L'espace des commentaires est ouvert aux inscrits.
Connectez-vous ou créez un compte pour pouvoir commenter cet article.