Des centaines de milliers d'indépendantistes, jusqu'à 1,4 million selon la police locale, ont célébré vendredi la journée nationale de la Catalogne, la Diada, persuadés de son caractère "historique", deux semaines avant un scrutin centré sur la sécession au grand dam du gouvernement de Mariano Rajoy.
Une large flèche jaune portée par des bénévoles a fendu la foule vers 17h00 (15H00 GMT ) sur cinq kilomètres dans la deuxième ville d'Espagne, pour s'emboiter dans une scène blanche, triangulaire. Un symbole évoquant, selon les organisateurs, l'élan vers une république indépendante, défaite du joug du royaume d'Espagne.
Les discours se sont ensuite succédé à cette tribune, de partisans d'un nouveau pays, Catalans d'origine ou d'ailleurs même des Etats-Unis, comme Liz Castro, éditrice et écrivain américaine qui, évoquant Thomas Jefferson, a scandé: "We want our independent state". "Nous voulons un Etat indépendant".
"Nous sommes décidés à partir", a clamé Jordi Sanchez, autre figure du mouvement, président de l'association indépendantiste ANC (Assemblée nationale catalane).
"In-de-pen-den-cia", chantait la foule.
La police locale a estimé le nombre de participants à 1.4 million. La préfecture de police, qui représente le gouvernement central, n'a cependant pas confirmé ces chiffres.
Souvent euphoriques, avec des enfants dans les bras et sur leurs épaules, les manifestants agitaient les drapeaux catalan rouge et or, comme Nicolas Liendo, 39 ans, qui a dévalé les "Ramblas" pour aller rejoindre la manifestation: "C'est avec joie que nous voulons bâtir une nouvelle république catalane, sans roi, sans pouvoir central qui nous traite comme de mauvais enfants", explique ce chef d'un restaurant de la ville.
"Nous ne demandons pas la lune", avait affirmé plus tôt le président de l'exécutif catalan, Artur Mas, devant la presse internationale. "Nous aspirons à ce que la plupart des nations européennes ont déjà, c'est-à-dire un Etat".
Laura Alastruey, 24 ans, est venue de la ville de Vic, en moto avec son copain, pour soutenir "la création d'un pays catalan". "Plus qu'une question économique, ce qui compte pour moi, c'est la défense de la langue. Et cela relève d'un sentiment: je ne m'identifie pas à l'Espagne".
M. Mas et ses colistiers ont formé une coalition indépendantiste du centre droit à la gauche radicale. Ils ont présenté les élections régionales du 27 septembre comme un plébiscite, pour ou contre leur projet de conduire la Catalogne vers la sécession en seulement 18 mois.
- Rancoeurs -
Depuis 2012, la région n'a eu de cesse de réclamer un référendum, sur le modèle des consultations sur la souveraineté du Québec et de l'Ecosse qui se sont soldées par la victoires du non. Le président du gouvernement espagnol, le conservateur Mariano Rajoy, l'a toujours refusé, faisant valoir qu'il revient à tous les Espagnols de se prononcer sur l'unité du pays.
Mais le Parti populaire (PP, droite) qu'il dirige prend désormais très au sérieux ce scrutin. Les visites de ministres se succèdent dans la région de 7,5 millions d'habitants qui représente 19% du PIB de l'Espagne et d'où partent 25% des exportations.
Jeudi à Barcelone, son ministre des Affaires étrangères Jose Manuel Garcia Margallo avait surpris en se disant favorable à une réforme constitutionnelle avec davantage d'autonomie fiscale pour la Catalogne, vieille revendication de Barcelone.
Il a été démenti vendredi par son collègue de l'Intérieur Jorge Fernández Díaz. "Ce n'est pas en ligne avec la position officielle du parti" populaire, a-t-il dit.
La Catalogne a accumulé les rancoeurs depuis 2008, sur fond de crise et d'austérité. Elle n'a pas accepté qu'en 2010, le Tribunal constitutionnel rabote la large autonomie accordée par le parlement espagnol en 2006.
Selon les sondages, les deux listes indépendantistes - "Junts pel si" et celle la CUP (extrême-gauche) - obtiendraient une majorité absolue en sièges au parlement catalan (68 à 74), sans pour autant réunir la moitié des voix (44 à 46%).
Or Artur Mas affirme que 68 sièges suffisent pour lancer le processus devant aboutir à une déclaration unilatérale d'indépendance d'ici 2017.
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