Une centaine de policiers et d'employés de la police judiciaire (PJ) parisienne sont soumis depuis jeudi à des tests ADN dans le cadre de l'enquête sur le viol d'une touriste canadienne en 2014, une opération "inédite" qui secoue le mythique 36, quai des Orfèvres.
Conduits par l'IGPN, la "police des polices", pour tenter de déterminer à qui appartient une empreinte génétique retrouvée sur le sous-vêtement de la jeune femme, ces prélèvements doivent s'étaler "sur trois jours", a précisé une source proche du dossier.
Selon une source policière, l'opération est "inédite par son ampleur dans le cadre d'une procédure criminelle".
Le 22 avril 2014, dans un pub irlandais en face du siège de la PJ, des policiers - hors service - de la Brigade de recherche et d'intervention (BRI) s'étaient liés avec une touriste canadienne de 34 ans. Ils lui avaient fait visiter les locaux du "36".
Un peu plus tard, la jeune femme en était ressortie en larmes, extrêmement choquée, affirmant avoir été violée. Elle avait porté plainte.
Deux policiers de la BRI, la légendaire brigade antigang, ont été mis en examen et un troisième placé sous le statut intermédiaire de témoin assisté.
Les trois hommes, suspendus par le ministre de l'Intérieur Bernard Cazeneuve, nient les faits qui leur sont reprochés, l'un reconnaissant une relation sexuelle "consentie", les deux autres démentant tout rapport.
Toutefois, l'analyse de leur téléphone portable montre que des textos et vidéos "explicites" ont été effacés, selon une source proche du dossier.
Surtout, l'ADN de la Canadienne a été retrouvé sur les caleçons des deux policiers mis en examen, d'après cette source. Trois empreintes génétiques ont par ailleurs été recueillies sur les sous-vêtements de la jeune femme: celles des deux principaux suspects et une troisième, inconnue, d'où l'opération menée actuellement dans les locaux de la PJ parisienne.
- 'Stress post-traumatique' -
La justice veut "fermer toutes les portes et s'assurer qu'il ne s'agit pas de l'ADN d'un fonctionnaire du +36+", souligne une source proche du dossier.
Pour l'avocate de la touriste canadienne, Me Sophie Obadia, "ne pas identifier cet ADN serait dommageable. Mais cela ne changera rien aux faits qui se sont déroulés ni à leur gravité".
Sa cliente a été entendue en avril par l'une des juges d'instruction en charge du dossier qui s'est déplacée au Canada. Examinée par un expert, en France, peu après les faits, elle a fait l'objet d'une seconde expertise psychologique dans son pays.
"Selon ce dernier expert, il n'y a aucun doute sur ses dires. Il a aussi relevé qu'elle subissait un stress post-traumatique depuis ce viol", a assuré Me Obadia.
L'opération de prélèvements ADN secoue le 36, quai des Orfèvres, qui abrite des services d'élite comme la Brigade criminelle ou la BRI, spécialisée dans les interventions difficiles et les interpellations à hauts risques.
L'institution est ébranlée par plusieurs autres scandales. Son patron Bernard Petit a été limogé en février pour des soupçons de fuites dans une enquête de corruption, quelques mois après un spectaculaire vol de 52 kilos de cocaïne dans ses locaux.
Plusieurs syndicats se sont levés contre l'opération, "scandaleuse sur la forme et inutile sur le fond", pour Synergie, le deuxième syndicat d'officiers de police. "La mise en scène de la descente délirante" de l'IGPN "jette l'opprobre sur un service prestigieux et stigmatise les policiers du +36+", a fait valoir son secrétaire général, Patrice Ribeiro.
Jean-Marc Bailleul, secrétaire général du syndicat des cadres de la sécurité intérieure (SCSI-CFDT, majoritaire), a pour sa part dénoncé "une justice spectacle" et critiqué "la méthode" de l'inspection générale de la police nationale qui a adressé un mail aux policiers en service ce jour-là et qui ont dû, selon lui, remplir un formulaire "pour recherche d'ADN".
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