En juin, en pleine guerre entre les taxis et UberPOP, les autorités dégainaient un arrêté pour interdire trois applications de chauffeurs entre particuliers: UberPOP, Djump, Heetch. Les deux premières ont fermé. La troisième est en plein boom.
Comme UberPOP, Heetch propose aux Parisiens et Lyonnais d'être transportés en voiture par d'autres particuliers pour une somme modique. Mais contrairement à l'application de l'Américain Uber, celle-ci fonctionne seulement de 20H00 à 06H00 et elle limite les revenus de ses chauffeurs à 6.000 euros par an.
Certains soirs, notamment en fin de semaine, plus d'une centaine de chauffeurs Heetch circulent au volant de leurs voitures personnelles, dans Paris et sa banlieue, en attente d'un passager.
Deux ou trois fois par semaine, de 22H30 à 02H30, Samuel est un des ces petits points verts qui signalent les chauffeurs libres sur la carte de l'appli. Pour ce trentenaire, Heetch est "un complément de salaire": il touche 1.800 euros net par mois comme ambulancier et "entre 100 et 120 euros pour une soirée moyenne" au volant de sa Toyota Yaris de 2002.
Pour ce père de famille dont la femme garde les deux enfants à la maison, "ça change pas mal de choses". "On va pouvoir partir en vacances à la Toussaint grâce à ça, ça m'embêterait que ça s'arrête."
Depuis sa création en 2013, Heetch a pris de l'ampleur. Après deux levées de fonds, la société enregistre une croissance de son activité de 30% par mois. Chaque semaine, l'application assure 39.000 trajets en région parisienne (et un millier à Lyon). 250.000 personnes sont inscrites au service dont la moitié l'a déjà utilisé effectivement.
- "Épée de Damoclès" -
Mais une épée de Damoclès pèse au-dessus des 3.000 chauffeurs occasionnels de Heetch et des 20 employés qui travaillent dans les bureaux de la société à Paris, à une adresse gardée secrète par peur des actions violentes de taxis en colère.
Le 25 juin, la préfecture de police de Paris a en effet pris un arrêté d'interdiction visant "les applications de type UberPOP". Dans un communiqué accompagnant l'arrêté, elle visait nommément trois applications: UberPOP, Djump, Heetch.
Depuis cet arrêté, qui a provoqué la fermeture des deux premières applications, 102 chauffeurs Heetch ont été placés en garde à vue en région parisienne. Deux véhicules ont aussi été saisis.
"Quand j'accueille un nouvel employé je lui dis: +Heetch a 80% de chances de mourir et c'est une très bonne chose car du coup on est condamnés à innover", explique dans un sourire Teddy Pellerin, le patron de la start-up. "On ne se sent pas concernés par cet arrêté. On n'est pas une application de type UberPOP", dit-il tout en reconnaissant que "les choses ne sont pas très claires".
Sa société a déposé en juillet un recours auprès du préfet de police pour ne plus être assimilé au service interdit.
Contactée par l'AFP, la préfecture de police n'a pas souhaité réagir.
Le dirigeant met en avant trois statistiques pour montrer que son application, qui ne fonctionne que la nuit, n'est pas un concurrent frontal des taxis: les utilisateurs de Heetch sont très jeunes (âge moyen: 23 ans), deux tiers d'entre eux vivent en banlieue et la moitié des déplacements effectués avec l'appli n'auraient pas pu être faits via un autre mode de transport.
Un lobbyiste a même été appelé à l'aide pour faire passer ce message dans les cabinets ministériels: "Heetch a pour mission de rendre la nuit plus accessible, ce qui signifie notamment de rendre la nuit plus sûre" avec moins de conducteurs alcoolisés.
Mais Teddy Pellerin ne s'en cache pas, "s'il y a plusieurs gardes à vue par soir pendant six mois, avec des saisies de véhicules, tout s'arrêtera".
En attendant, et en pleine expansion, l'application française va se lancer dans les semaines qui viennent "dans une ville européenne où il y a une vie nocturne forte".
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