Leur exploitation agricole est à l'équilibre. Arnaud et Carl Guilbert, fils d'agriculteurs à Tracy-Bocage, apprécient chaque jour les bénéfices qui se dégagent de leur travail, complété assidûment par celui de deux salariés et d'un apprenti. Mais cette réussite qui tranche singulièrement avec le mal-être d'un secteur en difficulté, où éleveurs et producteurs laitiers sont chaque semaine plus nombreux à ne pas pouvoir payer leurs charges, n'est pas tombé du ciel. Au printemps 2009, les frères Guilbert ont décidé de lâcher l'agriculture conventionnelle pour miser sur le bio.
Trouver des économies
"Ça était deux ans de conversion pour pouvoir nettoyer les sols nourris aux engrais pendant des années", se souvient Arnaud Guilbert, et respecter ainsi la réglementation européenne en la matière. Sous contrat avec Danone qui cherchait des producteurs bio, ils reçoivent alors 50 € de plus à la tonne pour faciliter cette période de transition. "Quand on a vu les prix pratiqués dans le bio pour nourrir nos vaches, on a tout de suite compris qu'il nous fallait miser sur une production alimentaire issue de notre ferme". Cette prise de conscience à un coût : des heures de travail supplémentaires. "C'est l'un des problèmes de l'agriculture conventionnelle d'aujourd'hui", estime un éleveur du bocage virois qui préfère garder l'anonymat. "Nous sommes liés à des industriels à qui nous achetons de quoi nourrir nos bêtes. Ça nous fait gagner du temps de travail, mais pas de l'argent. Chez certains, ça représente plus de 50% du coût de production !" L'économie réalisée par les fermes autonomes peut alors être colossale.
Le bio présente un autre avantage : le prix de vente est stable, la surproduction étant inexistante, alors qu'il ne cesse de fluctuer dans l'agriculture conventionnelle. "Et puis, je suis fier de voir mes vaches en bonne santé, vivre mieux et plus longtemps", confie Arnaud Guilbert. Avec son frères, ils avaient anticipé le coup dès 2004, en investissant dans un immense séchoir afin de fabriquer leur propre fourrage. "Ce fut le début de l'autonomie". Tous les matins, ils n'ont pas comme beaucoup de leurs confrères, la boule au ventre, celle qui "germe dès lors qu'il s'agit d'aller travailler pour perdre de l'argent", comme le confiait Stanislas Dutel, agriculteur dans le Pays d'Auge, présent lors des manifestations de juillet dernier sur le périphérique de Caen.
"La politique menée par le gouvernement avec la Fédération nationale des exploitants agricoles qui voulaient plus de compétitivité, vers les marchés mondiaux, promettant ainsi l'eldorado aux producteurs qui investissaient dans de plus grandes capacités de production, ne fonctionne pas", constate Claude Bacle, de la Confédération paysanne. Jean-François Godard, producteur de lait près de Caen, pense que l'avenir de l'agriculture est ailleurs : "Il ne faut pas aller sur le marché international, car ces prix-là ne peuvent pas rémunérer les producteurs français".
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