Le Front national faisait face mercredi aux juges d'instruction dans l'enquête sur son financement et des soupçons d'escroquerie au préjudice de l'Etat lors des législatives de 2012, une audition qui peut conduire le parti à une mise en examen.
Le trésorier du parti et candidat frontiste aux régionales en Ile-de-France, Wallerand de Saint-Just, est arrivé au pôle financier vers 09H00 pour représenter son mouvement, entendu en tant que personne morale par les juges Renaud van Ruymbeke et Aude Buresi, a constaté un journaliste de l'AFP. Il n'a pas fait de commentaires.
Les magistrats ont déjà mis en examen six personnes dans ce dossier, dont le vice-président du FN Jean-François Jalkh, ainsi qu'une entreprise proche du parti, Riwal, et le microparti Jeanne, considéré comme celui de Marine Le Pen.
Convoqué en vue d'une mise en examen, le parti peut ressortir avec le statut plus favorable de témoin assisté.
Une mise en examen serait un coup dur pour le FN, qui se verrait rattrapé par une affaire alors que ses dirigeants ont toujours pointé du doigt les turpitudes de la classe politique. La présidente du FN, Marine Le Pen, a jugé que cette convocation démontrait "la volonté politique de nuire" à son parti, "qui n'a rien à se reprocher".
A trois mois des régionales, où elle a l'ambition de remporter la région Nord-Pas-de-Calais-Picardie, le mouvement d'extrême droite, toujours haut dans les sondages, doit déjà faire face au conflit avec son fondateur, Jean-Marie Le Pen.
- Kits de campagne -
Au centre de l'affaire figure Frédéric Chatillon, patron de l'agence de communication Riwal, ancien chef du GUD, le syndicat étudiant d'extrême droite, et ami proche de Marine Le Pen.
Les enquêteurs soupçonnent cet homme de 47 ans, qu'ils considèrent comme le gérant de fait de Jeanne, d'avoir mis en place avec d'autres protagonistes un système d'enrichissement frauduleux lors des législatives de 2012. En cause: des kits de campagne (tracts, affiches) conçus et vendus par Riwal, puis fournis par Jeanne à une grande majorité de candidats frontistes (525 sur 565) qui signaient un contrat de prêt avec le micro-parti.
Selon une source proche du dossier, les juges considèrent que le coût des kits, ouvert au remboursement des frais de campagne par l'Etat pour les candidats faisant plus de 5%, "était très largement surévalué". Ils estiment aussi que ces kits étaient une condition pour obtenir l'investiture du parti. Le FN conteste leur caractère obligatoire, tout en faisant valoir une nécessité de rendre homogène le message de la campagne, donc de passer par un seul fournisseur.
Dans le viseur des juges figurent aussi les prêts de Jeanne aux candidats. Considérés comme fictifs, ils n'auraient eu pour but que d'obtenir le remboursement par l'Etat des intérêts d'emprunt, inclus dans les comptes de campagne. Des remboursements d'intérêts pour 600.000 euros, alors que le préjudice total est évalué à "plusieurs millions d'euros" par une source proche du dossier.
Les juges soupçonnent aussi l'entreprise Riwal d'avoir financé illégalement le FN et Jeanne, par des dons ou des aides, comme la mise à disposition gratuite de locaux ou d'employés, le paiement durant la campagne des législatives de salaires sur deux mois pour des emplois présumés fictifs de deux responsables, l'actuel maire de Fréjus David Rachline et le député européen Nicolas Bay, la prise en charge d'une facture de plus de 400.000 euros ou des facilités de paiement comme des crédits fournisseur sans intérêts. Le FN se défend pied à pied et conteste chaque grief.
L'enquête a été fragilisée par un vide législatif: le délit d'acceptation par un parti politique d'un financement provenant d'une personne morale n'est en effet plus puni par la loi.
Cette faille avait échappé au législateur, au parquet de Paris et aux juges d'instruction. Le parquet avait pris par la suite un réquisitoire supplétif en suggérant aux magistrats la mise en examen du parti pour recel d'abus de biens sociaux et complicité d'escroquerie dans le volet des remboursements de frais de campagne.
Un signe de "l'acharnement" du procureur, aux yeux de Wallerand de Saint-Just, qui a assigné l'Etat, lui réclamant 200.000 euros.
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