Le réalisateur français Bertrand Tavernier, 74 ans, auquel la Mostra de Venise a choisi de remettre un Lion d'or mardi pour ses 40 ans de carrière, a confié "assumer tous ses films, tous faits librement et sans compromis".
Le metteur en scène de "L'horloger de Saint-Paul", "Coup de torchon", "Capitaine Conan", "Ca commence aujourd'hui" ou, plus récemment, "La princesse de Montpensier" recevra en soirée à Venise sa première grande récompense internationale.
Lui qui a remporté quatre Césars (trois pour "Que la fête commence", un pour "Capitaine Conan"), un Oscar (pour le meilleur son dans "Autour de minuit" en 1987), le prix Louis-Delluc (pour "L'horloger de Saint-Paul") et un prix de la mise en scène à Cannes en 1984 pour "Un dimanche à la campagne", s'est dit "extraordinairement touché de recevoir ce prix du pays de Rossellini, Fellini, Risi, Comencini, Scola".
"Tous ces metteurs en scène, que j'ai connus et beaucoup aimés, ont contribué à mon amour du cinéma", a déclaré le réalisateur, amaigri après avoir subi récemment une opération.
Interrogé sur sa carrière et sa place particulière dans le paysage cinématographique français, Bertrand Tavernier a répondu qu'il "s'en fichait un peu".
"Ce qui compte, c'est que je n'ai fait que les films que j'ai voulu faire, je les ai fait librement, j'ai fait des choix et je les ai assumés", a-t-il. "Je n'ai jamais fait de compromis pour les faire".
"Quant, à treize ans, j'ai décidé de devenir metteur en scène, je ne savais pas que j'allais avoir cette vie extraordinaire", a-t-il confié, soulignant qu'il y avait un "certain nombre de films dont je suis très fier et que je revendique".
Parlant du cinéma français actuel, Bertrand Tavernier, connu pour son militantisme politique et ses films engagés, estime qu'un "bon film pardonne quinze films déprimants", évoquant ces "comédies horribles, qui vous font enrager".
Mais le cinéma français, c'est aussi "le film de Jacques Audiard primé à Cannes ("Dheepan", ndlr), tourné en partie en tamoul et financé par la France", s'est-il réjoui.
- Je suis un provincial -
Il a également évoqué le "climat" actuel en France, qui est "terrible" pour "les élites, les gens qui devraient donner l'exemple", contrairement aux "gens humbles, en province, qui sont exceptionnels", "une France d'en bas, populaire, qui a échappé au Front National et dont les médias ne parlent pas": "c'est la France que j'aime", a-t-il asséné.
Questionné sur sa longue collaboration avec Philippe Noiret, il a lancé "c'est grâce à lui que je fais du cinéma", racontant comment l'acteur l'avait soutenu pendant plus de deux ans avant de trouver un financement pour "L'horloger de Saint-Paul" (1974).
"Quand on l'a tourné, je lui ai dit +pourquoi tu as tenu aussi longtemps?+ et il m'a répondu +parce que je t'avais donné ma parole+".
Philippe Noiret, c'était "un seigneur, un gentleman: je me suis énormément amusé en travaillant avec lui, il avait une conception rigoureuse de son métier, c'était un travailleur extraordinaire, d'une pudeur incroyable, d'une délicatesse et d'une politesse inouïes". "Je pense tout le temps à lui", a-t-il confié.
Il a tenu également à remercier Jean Rochefort qui lui a dit qu'il lui avait appris à "tutoyer la caméra": "c'est l'un des plus beaux compliments que j'ai reçu".
Le réalisateur, né à Lyon, a par ailleurs adressé un vibrant hommage à sa ville natale, pour qui "il a une grande fidélité". C'est en souvenir de son enfance, des cinémas de quartier où il entraînait sa grand-mère, qu'il a accepté de présider l'Institut Lumière.
Evoquant les "intérieurs sombres, les hauts plafonds", qu'il a toujours recherché à reproduire dans ses films, il a également vanté cette culture de la discrétion et de la fidélité propre à la ville.
"Lyon m'a appris un enracinement dans un lieu, a-t-il confié. Je suis provincial et je suis content de l'être, je ne me sens pas parisien".
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