François Hollande a annoncé lundi que la France envisageait des frappes aériennes contre le groupe Etat islamique en Syrie, un changement de stratégie qui devrait lui donner plus de poids dans la négociation internationale sur la résolution du conflit.
Le chef de l'Etat, qui a avant tout invoqué des raisons de sécurité intérieure pour ces opérations, a en revanche exclu l'intervention en sol que réclamaient certains ténors de l'opposition comme Bruno Le Maire (Les Républicains).
"Aujourd'hui en Syrie, ce que nous voulons, c'est connaître, savoir ce qui se prépare contre nous et ce qui se fait contre la population syrienne", a déclaré le président, lors de sa conférence de presse de rentrée.
"Aussi ai-je décidé qu'il y aurait dès demain (mardi) des vols de reconnaissance () et puis ensuite, selon les renseignements que nous aurons collectés, nous serons prêts à faire des frappes"", a ajouté M. Hollande.
La France participe depuis septembre 2014 aux opérations aériennes de la coalition emmenée par les Etats-Unis en Irak mais s'était jusqu'ici refusée à intervenir en Syrie, craignant que des raids ne renforcent le président Bachar El-Assad face à l'Etat islamique.
"C'est un geste politique vis-à-vis des alliés qui sont sur une dynamique qui consiste à dire +il faut frapper l'EI d'abord, ensuite on en viendra à régler le problème du gouvernement syrien+ et il sera réglé", relève le général à la retraite Jean-Claude Allard, directeur de recherche à l'Institut de relations internationales et stratégiques (Iris).
François Hollande a redit que le président syrien ne pouvait faire partie de la solution mais a laissé la porte ouverte à une étape intermédiaire en déclarant que son départ serait "à un moment ou à un autre" posé, pas forcément tout de suite.
"Rien ne doit être fait qui puisse consolider ou maintenir Bachar al-Assad", a-t-il en revanche mis en garde.
- Un geste de politique interne -
La France, qui entend garder une marge de manoeuvre, agira d'ailleurs "en lien avec la coalition" et non au sein de la coalition, selon le chef de l'Etat.
En s'alignant dans le combat contre l'EI, elle va dans le sens des Etats-Unis mais aussi de l'Iran et la Russie, soutiens majeurs du régime de Damas et acteurs clés dans toute solution à la crise, qui réclament de régler d'abord le problème Daech.
"Cette participation (aux frappes) va permettre à la France de revenir dans le jeu diplomatique international de recherche d'une solution de crise au Moyen-Orient", estime le général Allard.
Plus immédiatement, elle va pouvoir collecter du renseignement sur les centres d'entraînement et de décision de Daech en Syrie, qui lui faisaient cruellement défaut, alors que les auteurs de plusieurs attentats, dont celui du Thalys en août, ont fait étape dans ce pays.
Ce changement de stratégie est aussi une réponse immédiate à la crise des migrants et aux images chocs de ces derniers jours, notamment celle d'un enfant syrien retrouvé mort, face contre terre, sur une plage turque.
"C'est surtout un geste de politique interne, avec de façon sous-jacente le message +regardez on fait quelque chose+", estime le général Allard. "C'est sans doute une réponse directe à ce désastre, mais cela vient un peu tard, et surtout, les bombardements ne suffisent pas à régler le problème", note toutefois Myriam Benraad, experte au Centre de recherches internationales (Ceri) de Sciences-Po à Paris.
La solution militaire à la crise implique une opération terrestre, estime Mme Benraad, à l'unisson de nombreux experts et responsables politiques.
"En Irak, c'est aux Irakiens de mener ces opérations, et en Syrie c'est aux Syriens qui sont dans la rébellion, c'est aussi aux pays voisins, aux forces régionales, de prendre leurs responsabilités", a souligné M. Hollande.
Il serait "inconséquent et irréaliste d'envoyer des troupes françaises au sol", où elles seraient aujourd'hui seules et assimilées à une "force d'occupation", a-t-il ajouté.
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