Cela commence par un "tac", puis un autre et encore un autre Pour de nombreux Israéliens, ce "tac-tac-tac" est le bruit familier des Matkot, un jeu de raquettes qui envahit les plages au grand dam de ceux qui viennent y chercher le calme.
"Ce bruit des Matkot, c'est Israël ! On revient d'un long séjour à l'étranger et ce bruit nous a vraiment manqué", témoigne Jordan, une baigneuse de Tel-Aviv.
Cette jeune femme a pris des risques en posant sa serviette au bord de l'eau, la zone prise d'assaut par les joueurs de Matkot parce que le sable mouillé y est plus dur.
Là, quasiment à longueur d'année grâce au soleil méditerranéen, hommes et femmes de tous âges se font face par deux à une quinzaine de mètres l'un de l'autre, et frappent à toute force dans une balle dure avec des raquettes un peu plus grandes que celles du tennis de table.
Pas de lob, pas de passing-shot. Il y a bien quelques envolées pour attraper une balle mal dirigée par un adversaire maladroit. Mais le buste reste souvent immobile. C'est le bras qui travaille.
Une seule règle : frapper le plus longtemps et le plus fort possible droit sur l'adversaire, comme pour le transpercer. On ne compte pas les points.
- 'Sport national' -
Les locaux s'adonnent à ce sport à l'étymologie contestée "depuis près de 100 ans", affirme Amnon Nissim, alias "le Roi des Matkot", à 71 ans.
On le pratiquerait aussi sur les plages du Brésil ou des Etats-Unis. Mais pour les adeptes de Tel-Aviv, aucun doute : les Matkot sont israéliennes.
"Les Matkot ici, c'est aussi important que le falafel, c'est notre sport national", résume Amnon Nissim, dont la frêle silhouette est connue de tous sur le sable de Tel-Aviv.
Deux fabricants de la région de Tel-Aviv se partagent le marché local de la raquette en fibre de carbone, incassable. Les Tel-Aviviens ne jurent que par elles et peuvent débourser jusqu'à 200 euros pour une paire. Ils dédaignent les raquettes en bois "made in China".
"Vous entendez ce tac-tac-tac ? ", s'anime Amnon Nissim au milieu de son salon, transformé en mausolée des Matkot. "Un coup avec celle-là et la balle part comme une bombe ! ", dit-il en s'emparant d'une raquette.
Mais son engouement n'est pas universellement partagé. Car, sans parler du boucan, il faut veiller en sortant inopinément de l'eau à esquiver les swings et ne pas croiser la trajectoire d'une balle.
"Ceux qui ne jouent pas vivent clairement un cauchemar, ils doivent aller ailleurs", reconnaît Nir Novak, un grand roux athlétique au smash redoutable.
Depuis 1968, le ministère de l'Intérieur a créé des zones protégées pour les baigneurs, un périmètre de 75 mètres autour de chaque poste de sauveteurs.
Des agents municipaux peuvent distribuer des amendes aux contrevenants. Mais "les joueurs sont en général compréhensifs et ne veulent pas faire d'histoire", assure Mira Marcus, porte-parole de la municipalité.
"Des criminels", répondent furieux deux jeunes Israéliens, entrés en guerre contre les Matkot dans un documentaire intitulé "Matkot.La fin" ( ). Une femme y raconte avoir perdu une partie de sa dentition sur un coup de raquette.
"Tout dans ce pays est une question de territoire. Et pour nous, ce qu'ils (les joueurs) font, c'est de l'occupation. Il est temps que nous réoccupions notre terrain", dit Liran Goldberg, co-auteur du documentaire. Mais le jeune homme est sans illusion : son mouvement de résistance contre cette pratique si populaire semble d'avance voué à l'échec.
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