Hollande et Merkel d'accord pour imposer l'accueil de réfugiés, Cameron parlant de "responsabilités morales": les Européens étaient contraints jeudi de réagir, malgré leurs profondes divergences, après l?émotion suscitée par la terrible photo d?un petit Syrien retrouvé mort sur une plage turque.
Dans un contexte de crispation croissante entre Européens, l'Allemagne et la France ont lancé une initiative commune pour "organiser l'accueil des réfugiés et une répartition équitable en Europe" de ces familles, qui fuient principalement la guerre en Syrie.
Si le président François Hollande n'a pas repris l'expression de "quotas contraignants" utilisée par la chancelière Angela Merkel, il a accepté l'idée d'un "mécanisme permanent et obligatoire". Paris souhaite "la participation de tous les pays" européens à l'accueil des demandeurs d'asile, a insisté son ministre de l'Intérieur Bernard Cazeneuve.
L'accord franco-allemand demande aussi d'"assurer le retour des migrants irréguliers dans leur pays d'origine", et d'aider "les pays d'origine et de transit".
A Bruxelles, face aux dirigeants européens, la Hongrie --en première ligne-- avait auparavant renvoyé l'Allemagne à ses responsabilités face à l'afflux massif de demandeurs d'asile. Son Premier ministre Viktor Orban a affirmé qu'il s'agissait d'un "problème allemand" plutôt qu'européen, et a rejeté les critiques sur la clôture érigée à la frontière entre son pays et la Serbie.
Tandis que la photo d'Aylan Kurdi, 3 ans, gisant inanimé sur une plage de Bodrum, en Turquie, continuait jeudi de soulever émotion et colère, le président turc Recep Tayyip Erdogan a accusé les pays européens d'avoir transformé la Méditerranée en "un cimetière de migrants".
Le vice-président de la Commission européenne, Frans Timmermans, a reconnu qu'il s'agissait d'"une crise humanitaire et politique sans précédent" en Europe, et a appelé à "trouver des réponses européennes à un problème qui ne peut pas être résolu par les Etats individuellement".
- 120.000 réfugiés supplémentaires -
Critiqué pour son manque d'implication dans la crise, le Premier ministre britannique David Cameron s'est lui aussi dit "profondément ému" et s'est engagé à prendre "ses responsabilités morales".
Selon le Guardian, David Cameron pourrait annoncer dans les jours qui viennent que le Royaume-Uni accueillera "plusieurs milliers" de réfugiés syriens supplémentaires.
Une répartition équitable des réfugiés entre pays européens fait partie des priorités de la Commission européenne, qui devrait dévoiler le 9 septembre devant le Parlement à Strasbourg de nouvelles propositions.
La Commission veut un mécanisme permanent de répartition, mais face à l'urgence que connaissent des pays comme la Hongrie, l'Italie ou la Grèce, son président Jean-Claude Juncker va "demander aux Etats membres de répartir en urgence 120.000 réfugiés supplémentaires au sein de l'UE", a indiqué jeudi à l'AFP une source européenne.
Le président du Conseil européen, Donald Tusk, a lui aussi appelé les pays européens à "redoubler leurs efforts de solidarité" en se répartissant l'accueil d'"au moins 100.000 réfugiés".
Mais la tâche ne sera pas aisée compte tenu des vives réticences affichées par de nombreux Etats après une précédente requête de la Commission pour l'accueil de 40.000 demandeurs d'asile se trouvant en Grèce et en Italie.
Donald Tusk n'a pas caché son inquiétude face à une "division entre l'Est et l'Ouest de l'Union européenne". "Certains Etats membres ne pensent qu'à endiguer la vague de migrants, ce qui est symbolisé par la clôture controversée en Hongrie, tandis que d'autres veulent plus de solidarité", a-t-il regretté.
"Personne ne veut rester en Hongrie, en Slovaquie, en Estonie, en Pologne. Tous veulent aller en Allemagne", a objecté le Hongrois Viktor Orban, alors que le président du Parlement Martin Shulz venait d'appeler à une réponse européenne.
"Notre job est juste de les enregistrer", a ajouté M. Orban, rejetant l'idée de quotas de répartition.
Pour lui, l'afflux massif de migrants menace les "racines chrétiennes" de l'Europe. "Nous avons le droit de décider de ne pas avoir un grand nombre de musulmans dans notre pays", a-t-il argué.
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