Bernardo Paz, magnat brésilien du minerai de fer, a passé sa vie à transformer le jardin de sa maison en un site unique au monde pour abriter l'une des plus grandes collections d'art contemporain, en pleine forêt tropicale.
Mais "Inhotim", ce fabuleux jardin botanique et musée d'une superficie équivalente à 300 terrains de football, à 60 km de Belo Horizonte, la troisième ville du pays, n'est pas à l'abri de la récession économique du géant sud-américain.
Il compte 330 espèces d'orchidées et d'innombrables sortes de broméliacées, de cactus et de nénuphars géants. Il abrite aussi une serre de 25.000 m2, des bibliothèques et des salles de classe.
Et lorsqu'on sillonne ses allées - ce qui peut se faire en voiturette électrique -, au milieu des 4.200 espèces de plantes brésiliennes et étrangères, dont certaines en voie de disparition, on tombe sur des centaines d'oeuvres de plus de 200 artistes du monde entier.
M. Paz, un sexagénaire raffiné et excentrique aux allures de hippie, a fait fortune avec le minerai de fer dont l'État de Minas Gerais est si riche. Il a bâti au cours des huit dernières années une destination touristique, à une heure de vol de Rio et Sao Paulo, qui attire chaque année 500.000 visiteurs du monde entier.
S'il rêve d'agrandir le parc, il a dû réduire le rythme des travaux : "La Chine qui achetait une partie du minerai n'a plus la même croissance qu'avant", confie-t-il à l'AFP.
Or le minerai de fer, qui s'est effondré depuis l'an dernier de 50%, dégringolant à 50 dollars la tonne en juillet, fournissait près d'un quart des fonds investis dans Inhotim. Le reste vient de sponsors, d'incitations fiscales et de la billetterie d'entrées.
- Redevenir un enfant -
"Quand on arrive stressé à Inhotim, au bout de 40 minutes on redevient un enfant et on ne veut plus en sortir", assure le milliardaire, fumant cigarette sur cigarette.
Bernardo Paz ne sort presque jamais de ses 1.000 hectares de terrain - 140 de jardins ouverts au public et 100 autres de forêt atlantique protégée et de savane - où il vit avec sa sixième femme, trentenaire, et deux de ses sept enfants.
Par endroits, on entend le bruit des excavatrices qui extraient le minerai de fer.
Dans la ville de Brumadinho (30.000 habitants), à quelques kilomètres de l'institut Inhotim, M. Paz est un "héros": son site, créé en 2006, emploie 800 personnes et accueille plusieurs programmes éducatifs.
"M. Paz est un visionnaire", affirme un ancien employé du parc, Antonio Lopes, 43 ans, dont la fille de 12 ans prend des cours de violon financés par Inhotim.
Ici, l'harmonie naît du mélange entre nature et oeuvres d'art et conduit à l'introspection.
"Desvio para o vermelho" (Déviation vers le rouge) du Brésilien Cildo Meirelles offre une série d'impacts sensoriels et psychologiques. Le visiteur pénètre d'abord pieds nus dans une salle bien éclairée où tout est rouge, meubles, tableaux, machine à écrire, réfrigérateur En suivant le bruit d'un robinet ouvert on passe dans la pièce d'à côté, plongée dans l'obscurité totale, où on avance à tâtons, jusqu'au moment où l'on bute sur un évier faiblement éclairé d'où jaillit de l'encre rouge en continu.
Après cette agression vermillon, retourner dans le vert du jardin est un soulagement.
Dans le "Sonic Pavilion", de l'Américain Doug Aitken, des micros installés à 202 mètres de profondeur conduisent à la surface, en temps réel, les sons de la respiration de la Terre.
- Organes humains dans une sculpture -
Dans la galerie de la Brésilienne Adriana Varejao -la cinquième femme de M. Paz dont les oeuvres sont vendues plus d'un million et demi de dollars- un mur partiellement abattu en carreaux de faïence blancs expose dans son épaisseur des organes humains passés à la résine.
Curieux de tout, le milliardaire songe à l'avenir d'Inhotim. "J'imagine tout cela dans 1.000 ans", dit-il, reconnaissant que la crise l'a retardé de cinq ans.
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