"La propreté est importante pour séduire les femmes parce qu'elles aiment les hommes propres, beaux, élégants !": confortablement installé dans le fauteuil d'un salon de beauté pour une manucure, Yunes Tubadi, reconnaît qu'il aime prendre soin de lui. Comme nombre de Gabonais, riches ou pas.
Une esthéticienne lui retire à l'aide d'une pince les cuticules qui bordent ses ongles avec une précision chirurgicale. Ponçage, gommage, huile nourrissante: Yunes aura droit à tout ou presque: "surtout pas de vernis, ça c'est pour les femmes!", glisse-t-il avec le sourire, en précisant qu'il tient à rester "viril".
Le jeune trentenaire est un habitué du "Masculin", un institut logé dans les quartiers chics de Libreville, qui, signe des temps qui changent, est exclusivement réservé aux hommes.
"La beauté des hommes n'est plus taboue", relève Eliane Mboulou, la gérante de cet établissement ouvert il y a trois ans et qui connait une affluence grandissante. "Au début ils venaient surtout pour la coiffure, maintenant beaucoup n'hésitent plus à faire des manucures-pédicures, et certains même des soins du visage", affirme-t-elle.
C'est le cas de Paguy, la vingtaine, qui n'a pas hésité à débourser 20.000 FCFA (30 euros) pour retrouver un teint éclatant. "C'est un bon petit moment de détente", soupire le jeune homme allongé sous une serviette, le visage peinturluré de crème. "La dame est très précise, chacun de ses mouvements est très délicat, on ne sent pas la peau se faire agresser".
Parmi cette clientèle aisée, certains, comme Jonas, haut cadre de la fonction publique, confient même dépenser jusqu'à 200 euros par mois en soins et en produits cosmétiques (crèmes, produits de rasage, etc). "C'est un trait de caractère ici: chez nous, les gens font attention aux petits détails, (à comment) ils s'habillent Et puis nous vivons dans un monde moderne", se justifie-t-il.
Ambiance feutrée, musique douce et canapés en cuirs: les salons de beauté de standing se multiplient dans la capitale. Et là où l'on accueillait auparavant une clientèle presque 100% féminine, "les hommes viennent de plus en plus nombreux" depuis quelques années, explique-t-on à Esthetic House, un autre salon de beauté.
- Pédicures à tous les prix -
Ce phénomène, qui amuse les femmes, ne concerne pas que les riches. Il accompagne aussi l'émergence d'une certaine classe moyenne, même si elle reste limitée. Selon la Banque africaine de développement (BAD), un tiers des Africains entre désormais dans cette catégorie, après deux décennies de croissance économique sur le continent.
Au Gabon, 37% de la population est considérée comme appartenant à la classe moyenne stable, selon le même rapport. Dans les rues de la capitale, les signes extérieurs de richesse ne manquent pas, entre téléphones mobiles dernier cri et 4X4 hauts de gammes.
Mais les apparences masquent parfois une réalité cruelle. "Certains hommes que vous croisez en ville dans un costume élégant, avec de belles chaussures, vivent dans des cases en tôles sans eau ni électricité. Moi je vis au +matiti+ (bidonville, ndlr), ce sont mes voisins !", moque Bruno, un mécanicien. Et de résumer: "Les Gabonais aiment trop +se faire voir+ (parader)".
Preuve que la coquetterie masculine n'est pas l'apanage des nantis, la manucure-pédicure se fait parfois dans la rue, dans le brouhaha des klaxons et des pots d'échappement Au carrefour Rio, un quartier populaire de Libreville, une dizaine de petits parasols bariolés attendent ainsi leurs clients.
Lesly, étudiant, vient tous les 15 jours se faire faire les ongles pour 2.000 FCFA (3 euros). "C'est normal pour un homme puisque c'est une affaire de propreté () quand je marche dans la rue, je n'aime pas que les gens voient mes pieds sales", dit-il, assis sur une planche en bois, jean retroussé aux genoux. Certains "n'ont pas de copine à la maison ou de femme, il y en a même qui ont des femmes, mais elles ne leur font pas les ongles, voilà pourquoi ils viennent souvent se faire une manucure-pédicure", explique-t-il.
A quelques mètres de là, sous un parasol voisin, une jeune femme se fait poser de faux ongles aux paillettes argentées par un homme. Trésor Matondo est arrivé du Congo voisin il y a 13 ans pour pratiquer son savoir-faire. "On dit qu'il n'y a pas de sot métier et c'est un métier que j'aime. Ici, au Gabon, c'est rare" de voir les hommes vivre de la manucure-pédicure", relève-t-il, "mais chez moi au Congo, c'est surtout les hommes qui font ça".
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