Avec des fusillades quasi quotidiennes, les Américains ne semblent plus en sécurité nulle part, même pas dans les écoles ou les églises.
Le meurtre en direct à la télévision de deux journalistes mercredi matin, abattus par un ancien collègue mécontent, a ranimé le débat sur le contrôle des armes à feu dans le pays. Mais les experts sont unanimes: cela n'arrivera pas.
"Vous ne pouvez pas vous en débarrasser", dit à l'AFP Harry Wilson, professeur à l'université de Roanoke, en Virginie (est), où s'est justement déroulée la fusillade de mercredi. M. Wilson a beaucoup écrit sur les politiques de contrôle des armes à feu.
Une décision de la Cour suprême en 2008 a rendu hors la loi les principales restrictions sur la circulation des armes en décidant que la Constitution autorisait à garder une arme chargée pour se défendre.
Certes, le gouvernement peut toujours imposer des interdictions contre les criminels déjà condamnés ou les personnes souffrant de maladies mentales, ou obliger à effectuer des contrôles des antécédents. Mais la tendance ces dernières années est plutôt à l'allègement des contrôles malgré plusieurs tueries retentissantes.
Barack Obama a bien tenté de pousser vers un durcissement de la législation après le massacre de 20 enfants dans l'école élémentaire Sandy Hook à Newtown, dans le Connecticut, en décembre 2012. Mais sans succès.
Le président américain a d'ailleurs avoué le mois dernier que son échec sur ce sujet, alors qu'il a été bloqué par le Congrès, restait la plus grande frustration de ses deux mandats.
"Il n'y a eu aucune mesure au niveau national concernant le contrôle des armes ces dernières années en raison de l'ascendance du Parti républicain et aussi parce que le lobby des armes est très efficace politiquement et pour mobiliser ses soutiens", souligne Robert Spitzer, professeur à l'université de l'Etat de New York, auteur de quatre livres sur le contrôle des armes à feu.
- Fervents et bien organisés -
Les républicains, défenseurs des armes, sont farouchement opposés à toute loi restreignant leur circulation.
"Le lobby des armes a aussi été très efficace pour faire passer le message selon lequel des lois pour le contrôle des armes ne feraient pas grande différence", ajoute-t-il.
"Il y a pourtant des preuves que des lois en la matière changeraient les choses, spécialement au regard des personnes qui ne devraient pas avoir le droit d'avoir accès à des armes. Mais ce n'est pas le message qu'entend le grand public, qui croit toujours que des lois () ne feraient qu'embêter des honnêtes gens, sans avoir aucune influence sur ceux qui commettent des atrocités".
Ces dernières années, les Américains ont changé de perception, toujours plus nombreux à défendre le droit de porter une arme. Ils sont aujourd'hui 50% à pousser en ce sens, contre seulement 33% il y a 20 ans.
S'ils ne veulent pas une restriction de la circulation, les Américain sont toutefois 70 à 85% à souhaiter la mise en place de contrôles des antécédents pour les acheteurs d'armes, que ce soit dans les foires ou dans les transactions privées. Et une interdiction des ventes aux personnes souffrant de maladie mentale ainsi que la création d'un fichier national retraçant toutes les ventes d'armes.
Mais même ces mesures de bon sens n'aboutissent pas: les partisans du port d'arme et la NRA -- le principal lobby proarmes -- sont particulièrement fervents et bien organisés.
Les armes sont également un symbole de liberté, de patriotisme et d'individualisme aux Etats-Unis, note Jim Taylor, professeur de sociologie à l'université de l'Ohio.
Paradoxalement, des tueries comme celle du cinéma d'Aurora (Colorado) à l'été 2012, dans laquelle 12 personnes sont mortes et 70 ont été blessées, servent d'argument aux partisans des armes: "Certaines personnes se disent que ce genre de chose va continuer à se produire, elles pensent alors qu'elles devraient s'armer pour pouvoir se défendre", selon M. Taylor.
Et même des lois restreignant leur circulation ne seraient pas une solution universelle. "La plupart des auteurs de fusillades achètent leurs armes légalement", note Harry Wilson.
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