Comme l'homme maîtrisé dans le Thalys, les derniers auteurs d'attentats en France avaient tous été fichés à un moment par les services de renseignement avant de passer à l'acte : un constat amer qui semble montrer les limites des unités antiterroristes françaises, débordées depuis des mois.
L'amélioration de la sécurité sera au centre d'une réunion samedi à Paris de ministres de l'Intérieur et des Transports de plusieurs pays européens. La France doit se préparer à d'"autres assauts", vient d'avertir le président français François Hollande.
"Clairement, on se pose la question de ce qu'on peut faire de plus, mais là on n'est pas loin d'être à la limite de ce que l'on peut faire", reconnaît sous couvert d'anonymat un commissaire proche des services de renseignement.
Ayoub El Khazzani, le jeune Marocain qui a ouvert le feu dans un Thalys le 21 août, est apparu dans les radars du renseignement français, faisant l'objet d'une fiche S (pour sûreté de l'Etat). Tout comme les frères Kouachi, auteurs le 7 janvier de l'attaque contre les journalistes de Charlie Hebdo, ou encore Sid Ahmed Ghlam, arrêté le 19 avril, soupçonné d'un meurtre et qui projetait d'attaquer une église dans la banlieue parisienne, et Yassin Sahli, qui a décapité le 26 juin son patron et tenté de faire exploser une usine de produits chimiques.
Mais rien n'y a fait. Et le sentiment d'impuissance commence à gagner du terrain, même si dans le cas du Thalys, aucune faille ne semble imputable aux services français.
"On a eu de la chance sur ce coup. Des voyageurs s'interposent et le carnage est évité. Mais franchement les services français ne pouvaient pas faire grand-chose de plus", assure un haut-fonctionnaire, lui aussi sous couvert d'anonymat.
El Khazzani, qui a passé sept ans en Espagne avant de sillonner l'Europe entre février 2014 et août 2015, avait été repéré par les services espagnols et belges.
Sa fiche S en France - parmi 5.000 à 8.000 autres - n'impliquait qu'un recueil a minima de renseignements le concernant s'il était contrôlé, mais il ne l'a pas été pendant un séjour de cinq à sept mois en France en 2014.
"Ce n'est pas une surveillance à proprement parler", explique une source policière. Il ne faisait pas l'objet d'une mise sur écoute ou encore d'une surveillance dite +physique+, réservée à des profils jugés dangereux, et qui mobilise entre 20 et 30 fonctionnaires à temps plein.
- 500 policiers en renfort -
"Le profil de ces mecs - Khazzani, Ghlam ou Sahli - est vraiment problématique. Ce sont des types noyés dans la masse, sans vraie dangerosité apparente et qui ne sont pas des cibles prioritaires alors qu'ils peuvent en fait faire des dégâts", soupire un haut-fonctionnaire.
La question de l'utilité des fiches S des services français est posée, et plus généralement celle de la pertinence des méthodes de l'antiterrorisme face à une population jihadiste de plus en plus dure à décrypter.
Deux lois ont été récemment votées en France pour aider les services, l'une sur la lutte contre le terrorisme en novembre 2014, l'autre sur le renseignement en avril, et plus de 500 agents vont renforcer la Direction générale de la sécurité intérieure (DGSI) d'ici à 2017.
Le ministre français de l'Intérieur, Bernard Cazeneuve, a également tenté de resserrer quelques boulons, déficients, selon lui.
Ayant constaté une circulation de l'information trop peu fluide à son goût entre les services, il a créé fin juin un état-major pour la prévention du terrorisme (Emop), censé chapeauter les acteurs de l'antiterrorisme.
Ce rôle semblait pourtant dévolu auparavant à l'Unité de coordination de la lutte antiterroriste (Uclat), qui n'a pas été dissoute.
"Le principal souci en ce moment c'est la difficulté, pour les autres services, de bosser avec la DGSI, qui par nature a du mal à partager ses infos. Créer une nouvelle feuille dans le mille-feuilles ne va pas forcément améliorer la fluidité de l'information", souligne un commissaire.
Mais le problème soulevé par la succession d'actions terroristes semble plus profond. "Il faudrait revoir l'ensemble de l'organisation de la lutte antiterroriste, retravailler les critères de détection, peut-être mieux former et sensibiliser les policiers qui n'appartiennent pas à ces services", estime un ancien cadre de la police.
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