François de Rugy, l'un des leaders d'Europe Écologie-Les Verts (EELV), a claqué la porte de son parti en l'accusant de "dérive gauchiste", aggravant la crise qui touche un mouvement écologiste profondément divisé sur la participation au gouvernement et l'alliance avec le Front de gauche aux régionales.
C'est par un entretien publié aux aurores jeudi sur le site du Monde, quelques jours après une université d'été agitée, que François de Rugy a véritablement lancé la rentrée des écologistes, alors que débute parallèlement vendredi le grand rassemblement annuel du PS à La Rochelle.
"Pour moi EELV, c?est fini. Le cycle ouvert par Daniel Cohn-Bendit en 2008 est arrivé à son terme. Aujourd?hui, on n?arrive plus à avoir les débats, ni de fond ni stratégiques, au sein d?un parti qui s?enfonce dans une dérive gauchiste", voire dans un "repli sectaire", explique le député de Loire-Atlantique.
A trois mois des régionales et à 18 mois de la présidentielle, celui qui depuis 2012 copréside avec Barbara Pompili le groupe écologiste à l'Assemblée - et va rester au groupe des Verts au Palais Bourbon - dit vouloir "fédérer les écologistes réformistes, ceux qui ne sont pas à EELV et ceux qui y sont encore. Dans les mois qui viennent, il y aura des recompositions et des choses nouvelles à inventer au-delà de la forme du parti traditionnel".
La scission tant annoncée d'EELV est-elle engagée ? "Jean-Vincent Placé (président du groupe au Sénat) va partir" également, prophétise Daniel Cohn-Bendit, grand artisan de la recomposition de l?écologie politique en 2009 et 2010. Mais Placé a fait savoir qu'il ne s'exprimerait pas avant vendredi matin, au moment du lancement des journées du PS.
La secrétaire nationale du parti, Emmanuelle Cosse, s'est contentée de "regretter" le départ de François de Rugy. Les écologistes doivent "plus que jamais se rassembler pour agir à tous les niveaux contre le réchauffement climatique et pour la qualité de vie de nos concitoyens", poursuit Mme Cosse dans une déclaration à l'AFP.
Les ténors étant aux abonnés absents, ce sont les autres responsables du parti qui, pour l'heure, s'interpellent par communiqué et médias interposés. "Nous ne sommes pas gauchistes, nous sommes écologistes", a répliqué l'eurodéputé Yannick Jadot, qui ne veut "brader l'écologie ni au Front de Gauche ni au Parti socialiste".
- "mélenchonisation rampante" -
Sa collègue du Parlement européen, Michèle Rivasi, estime qu'EELV est "victime d'une tentative de déstabilisation et de bordélisation menée par un petit quarteron de parlementaires avide de maroquins ministériels" et plaide pour "une primaire du peuple de l'écologie".
Deux tendances s'affrontaient déjà au sein d'EELV depuis la fracassante décision de Cécile Duflot, en avril 2014, de quitter le gouvernement pour cause d'incompatibilité avec Manuel Valls nommé à Matignon.
Mme Duflot, après une tentative avortée de rapprochement avec l'ombrageux Jean-Luc Mélenchon, semble envisager une candidature à la présidentielle de 2017. Or pour de Rugy, ce serait "l'exact remake de celle de 2012 avec le résultat que l'on connaît": le score de 2,31% d?Éva Joly.
En face, une large partie des parlementaires du mouvement, MM. de Rugy et Placé et Mme Pompili en tête, plaident pour un retour aux affaires, après avoir voté la loi sur la transition énergétique et à l'approche de la grande conférence sur le climat (COP 21) en décembre à Paris.
"Son positionnement, c'est pas entre gauchisme et écologie, mais entre écologie et François Hollande, et finalement (de Rugy) a choisi", a taclé David Cormand, proche de Cécile Duflot.
Avec ce débat en toile de fond, le désaccord a semble-t-il dégénéré sur la question des alliances avec le Front de Gauche en vue des régionales. Dans le Nord-Pas-de-Calais-Picardie notamment, Mme Pompili plaide pour une "union sacrée" de la gauche face au danger Marine Le Pen. La tête de liste, Sandrine Rousseau, souhaite quant à elle une alliance avec le FG.
Le premier secrétaire du PS, Jean-Christophe Cambadélis, a vu dans ce départ une "conséquence de la mélenchonisation rampante des écologistes", à qui il a solennellement demandé de "revenir sur leur vote d'une alliance avec Jean-Luc Mélenchon dans cinq régions".
Interrogé par l'AFP, le secrétaire national adjoint d'EELV chargé des élections, David Cormand, a affirmé que des accords avaient été conclus entre les Verts et le Front de gauche dans quatre régions: Nord-Pas-de-Calais-Picardie, PACA, Rhône-Alpes-Auvergne, et Languedoc-Roussillon-Midi-Pyrénées.
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