Comment définir la spoliation de propriétaires d'oeuvres d'art par les nazis? Une polémique qui refait surface en Suisse avec la publication cette semaine d'un livre "Schwarzbuch Buehrle" ("Le livre noir de Buehrle") qui questionne les origines de la prestigieuse collection de peinture européenne de E.G. Buehrle.
L'industriel zurichois d'origine allemande Emil Georg Buehrle (1890-1956), qui fit fortune dans l'armement pendant la Seconde guerre mondiale, a constitué l'une des plus importantes collections privées de peinture européenne, riche en oeuvres d'impressionnistes français et d'autres artistes du 19e siècle, eux-mêmes précurseurs ou contemporains du courant impressionniste.
Emil Buehrle a procédé à la majeure partie de ses acquisitions entre 1951 et 1956.
En 1960, la famille du collectionneur a créé une fondation réunissant une sélection représentative de quelques 200 peintures et sculptures qu'elle a ouverte au public, dans une villa voisine de celle où demeurait l'industriel. C'est dans cette villa -musée, qu'un hold-up spectaculaire avait eu lieu en 2008, avec quatre oeuvres majeures dérobées en 10 minutes par trois malfrats armés et cagoulés.
Dès 2020, selon les termes d'un contrat de prêt à long terme signé entre la fondation et la société zurichoise des beaux-arts, la collection de renommée internationale sera exposée dans l'extension du Kunsthaus Zurich conçue par l'architecte star anglais David Chipperfield.
Le Kunsthaus deviendra ainsi l'endroit où l'on admirera le plus important ensemble de peintures de l'impressionnisme français en Europe ? après Paris, explique le musée suisse qui accueille déjà plusieurs centaines de milliers de visiteurs chaque année.
"La ville de Zurich et le Kunsthaus doivent faire très attention à la façon dont ils gèrent cette collection car la réputation de la ville pourrait en prendre un coup", a expliqué à l'AFP l'un des auteurs du livre, Thomas Buomberger.
D'autant que le musée de Zurich reçoit des fonds de la ville, comme le souligne l'historien de l'art qui a consacré deux années de sa vie à examiner sous toutes les coutures la collection Buehrle.
De son côté, la fondation Buehrle reconnaît que l'industriel a acquis une centaine d'oeuvres d'art pendant les années de guerre, dont 13 se sont avérées après-guerre être des pièces volées à leurs propriétaires juifs par les services allemands en France occupée. Les procès liés à leur restitution ont suscité une grande attention, mais Buehrle est parvenu à l'issue de ceux-ci à racheter neuf de ces oeuvres.
Mais pour Thomas Buomberger, la notion de spoliation devrait s'appliquer à "toutes les transactions qui n'auraient pu être conclues si les nazis n'avaient pas été au pouvoir, ce qui inclut les oeuvres vendues en Suisse par des Juifs qui étaient forcés de fuir".
Accepter une telle définition reviendrait à dire qu'une bonne partie de la collection de Buehrle a des origines douteuses, d'après M. Buomberger.
Une proposition balayée par le porte-parole du Kunsthaus de Zurich, Bjoern Quellenberg, pour qui les oeuvres acquises en période de troubles "ne peuvent pas être considérées comme de l'art spolié".
Plusieurs oeuvres mondialement connues appartiennent à la collection E.G. Buehrle, par exemple le "Semeur au soleil couchant" de Van Gogh, "La Petite Irène" de Renoir, le "Champ de coquelicots près de Vétheuil" de Monet, "Le Garçon au gilet rouge" de Cézanne et "L'Italienne" de Picasso. Figurent aussi parmi les plus grands artistes représentés Chagall, Ingres, Delacroix, Manet, Degas, Gauguin, Signac, Courbet, Toulouse-Lautrec et Braque.
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