Israël a relâché mardi en plein désert des centaines de clandestins africains, en vertu d'un jugement qui leur rend la liberté, mais les laisse désemparés devant cette question: où aller ?
"Il n' y a rien à fêter! On ne sait pas où aller, où on va dormir ce soir", dit Salah, un Soudanais de 33 ans devant le centre de rétention de Holot, le plus important du pays, situé dans le désert du Néguev (sud).
Comme des centaines d'autres (750 selon l'autorité pénitentiaire), Salah, arrivé en Israël il y a neuf ans, a été libéré après une décision de la Cour suprême qui a ordonné le 11 août que les demandeurs d'asile détenus depuis plus d'un an soient relâchés sous deux semaines.
Au total, 1.178 personnes doivent être libérées mardi et mercredi, a indiqué à l'AFP Sivan Weitzman, porte-parole de l'autorité pénitentiaire.
Il s'agit du troisième coup porté en deux ans à la politique des gouvernements successifs de droite de Benjamin Netanyahu qui cherche à limiter l'arrivée de migrants, majoritairement originaires d'Erythrée et du Soudan.
Devant un paysage de barbelés et de baraquements avec le désert à l'horizon, la liberté a pris un goût d'incertain pour tous ceux qui sont sortis en tirant de grosses valises, une couverture sous le bras. Une fois sortis, certains rejoignent des abribus, montent dans un car, peu importe sa direction.
Fissel Sidig Adam, un Soudanais du Darfour âgé de 28 ans, arrivé en Israël il y a 8 ans, est reconnaissant envers la Cour suprême. Mais il attendait "plus", "une vraie solution de l'Etat, de l'aide, pas les 64 shekels (16,5 USD) et le sandwich qu'on nous a donnés".
- Interdits d'aller à Tel Aviv -
Holot est un centre ouvert où les détenus, libres la journée, doivent venir émarger à 22H00, explique la porte-parole de l'autorité pénitentiaire. Ils ont droit à un pécule mensuel de 600 shekels par mois s'ils ont fait acte de présence tous les soirs, moins dans le cas contraire.
Après les départs de mardi et mercredi, ils devraient rester 550 personnes dans le centre.
Ceux qui sont libérés partent après un petit-déjeuner, avec leur allocation, éventuellement des ordonnances s'ils ont besoin de soins, mais aussi avec un document restreignant leurs déplacements.
"On nous a donné un papier avec marqué +interdit d'aller à Eilat ou Tel-Aviv+, et c'est là qu'on connaît des gens. J'ai pas d'argent pour louer un appartement. Où je vais maintenant ?" s'inquiète Salah.
Tel-Aviv et Eilat accueillent de fortes concentrations de clandestins africains. Leur présence suscite des tensions avec la population. Mais en interdisant ces villes aux détenus de Holot, les autorités les privent d'un point de chute où retrouver des proches, ou un travail au noir peut-être.
Le débat autour de la question de l'immigration est loin d'être apaisé. Récemment, la ministre de la Justice, Ayelet Shaked, a posté une vidéo montrant l'agression d'une passante par un homme de couleur noir avec la mention: "la vie insupportable des habitants du sud de Tel-Aviv". La vidéo avait en fait été filmée en Turquie.
- Pas de flux en Europe -
Pour ces immigrants, Israël représente, à défaut de pouvoir rallier l'Europe, le plus proche espoir d'une vie meilleure accessible à pied.
Selon l?ONU, le pays abrite 53.000 réfugiés et demandeurs d?asile, la plupart entrés illégalement via le Sinaï égyptien. Parmi eux, 36.000 sont venus d?Erythrée, 14.000 du Soudan. Israël ne leur accorde le statut de réfugiés qu'au compte-gouttes, laissant l'immense majorité à la marge.
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