Après une quatrième journée de garde à vue, Ayoub El Khazzani, soupçonné d'avoir voulu commettre un carnage dans un Thalys et dont le profil et le parcours conservent de nombreuses zones d'ombres, devait être déféré mardi soir pour être présenté à la justice.
Le parquet de Paris devrait ouvrir une information judiciaire, préalable à une possible mise en examen de ce Marocain de 25 ans, maîtrisé par des passagers vendredi alors qu'il sortait des toilettes armé d'un fusil d'assaut kalachnikov et en possession de neuf chargeurs, d'un pistolet Luger et d'un cutter.
Après son passage devant les juges antiterroristes, un magistrat spécialisé va statuer sur sa détention.
L'homme, décrit comme un "SDF", "squelettique", par l'avocate qui l'a assisté aux premières heures de sa garde à vue, a réfuté tout acte terroriste lors de ses premières auditions. La kalachnikov? Il l'aurait trouvée par hasard dans un jardin près de la gare de Bruxelles-Midi. Son projet ? Menacer les voyageurs pour les détrousser.
Ses déclarations n'ont pas convaincu les enquêteurs, qui vont tenter de faire parler les deux téléphones portables retrouvés sur lui. L'un d'eux a été activé le matin même de l'attaque, selon une source policière.
Outre la question d'éventuelles complicités ou de commanditaires de son geste, l'enquête va devoir retracer le parcours sinueux du jeune Marocain.
Arrivé en Espagne en 2007, vers 18 ans, installé à Algesiras (sud) où vit son père, le suspect avait déjà été signalé pour ses discours radicaux dans des mosquées et s'était fait connaître pour trafic de drogue.
Début 2014, les services de renseignement espagnols signalent à leurs homologues français son intention de franchir la frontière. Un passage en France est désormais attesté, puisque l'opérateur de téléphonie mobile Lycamobile a confirmé lundi que le Marocain y avait bien travaillé de février à avril 2014, avant une rupture car ses papiers "ne lui permettaient pas de travailler en France", selon l'employeur.
Un an plus tard, le 10 mai 2015, Ayoub El Khazzani a été repéré à Berlin d'où il s'est envolé pour la Turquie. Une destination qui pose la question d'un éventuel passage en Syrie, où des zones sont sous contrôle de l'organisation Etat islamique (EI).
D'après l'avocate qui l'a assisté aux premières heures de sa garde à vue, il a raconté s'être déplacé au cours des six derniers mois en Belgique, Allemagne, Autriche, France et en Andorre.
- "Nous sommes toujours exposés" -
Si le projet meurtrier d'El Khazzani a échoué, "nous devons nous préparer à d'autres assauts et donc nous protéger", a mis en garde mardi François Hollande devant les ambassadeurs français réunis à Paris.
"Nous sommes toujours exposés et l'agression qui s'est produite vendredi aurait pu dégénérer en un carnage monstrueux", a rappelé le chef de l?État, au lendemain de la remise de la Légion d'honneur aux passagers qui avaient empêché Ayoub El Khazzani d'agir, parmi lesquels trois jeunes Américains, dont deux militaires en vacances, et un Britannique.
L'un des militaires a été blessé au cutter, tandis qu'un autre passager, blessé par balle et hospitalisé à Lille, était toujours dans un état jugé "préoccupant" lundi soir.
Depuis la série d'attaques sanglantes en janvier, la France, ciblée par les organisations jihadistes, a été confrontée à d'autres tentatives, pour certaines meurtrières.
Le 19 avril, l'étudiant algérien Sid Ahmed Ghlam, arrêté peu après s'être blessé par balles, a été mis en examen pour l'assassinat d'une jeune femme à Villejuif (Val-de-Marne), où il est soupçonné d'avoir projeté l'attaque d'une église.
Un peu plus de deux mois plus tard, le 26 juin, un employé d'une entreprise de transport, Yassin Salhi, était arrêté dans une usine de gaz industriels qu'il est soupçonné d'avoir voulu faire sauter, après avoir décapité son patron. Dans les deux cas, des liens entre les suspects et des jihadistes se trouvant en Syrie ont été établis.
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