La ministre de l'Ecologie, Ségolène Royal, a convoqué jeudi la grande distribution pour l'inciter à faire davantage pour lutter contre le gaspillage alimentaire. Mais dans les rayons, plusieurs initiatives anti-gaspi (dons, recyclage, opérations commerciales) existent déjà.
Au Carrefour Auteuil de Paris (16e arrondissement), le rituel est bien rodé: plusieurs fois par jour, des camions se massent à l'arrière du magasin pour charger des caddies remplis de victuailles. "On vient récupérer des denrées pour les redistribuer aux familles dans le besoin", explique à l'AFP Louise de Saint-Germain, directrice de "La Main tendue pour demain".
Un partenariat, initié "depuis trois ans et demi, nous permet de collecter 70 tonnes de nourriture par an, soit l'équivalent de 60 à 70 paniers-repas quotidiens", indique la responsable associative.
Le magasin a également noué des contrats avec quatre autres organismes caritatifs pour les approvisionner avec ses invendus alimentaires.
Une équipe spéciale de trois personnes est chargée de collecter plusieurs fois par jour dans les rayons les produits dont la date de péremption arrive bientôt à échéance (par exemple sur un yaourt, cinq jours avant la date limite) ou dont les emballages ont été endommagés, susceptibles d'être donnés.
"L'an dernier, 160 tonnes de nourriture ont ainsi été donnés, soit l'équivalent de 320.000 repas", explique Soëd Toumi, directrice du Carrefour Auteuil.
A l?échelle du groupe Carrefour, c'est l'équivalent de 77 millions de repas qui ont été redistribués en 2014 à plus de 800 associations, ajoute Sandrine Mercier, directrice développement durable du distributeur, rappelant que le premier partenariat de l'enseigne avec les Banques alimentaires remonte à 1994.
Depuis 2012, l'enseigne a également intensifié sa lutte contre le gaspillage, en nommant plusieurs "coachs anti-gaspi", chargés de former les équipes aux bonnes pratiques. Dans les rayons, cela se traduit, outre les dons aux associations, par différentes mesures. Des promotions ponctuelles sont régulièrement instaurées sur les produits à date courte pour éviter qu'ils soient perdus, tout en permettant aux consommateurs de faire de bonnes affaires, explique Mme Mercier.
- 'javellisation interdite' -
Lutter contre le gaspillage passe aussi par une meilleure gestion des stocks, via des prévisions informatiques pour des commandes optimisées ou bien directement au sein des magasins par des systèmes de réutilisation des aliments: les croissants invendus sont ainsi transformés en croissants aux amandes, les framboises un peu défraichies sont utilisées pour confectionner les gâteaux en pâtisserie, etc.
Enfin, depuis janvier 2015, les dates limites de consommation sur les produits de marque Carrefour ont été allongées ou tout simplement supprimées, évitant que ceux-ci soient jetés alors qu'ils sont encore consommables.
Au final, aujourd'hui, "on ne jette quasiment plus aucun produit alimentaire: ils sont soit transformés, soit donnés, soit recyclés", explique Mme Mercier. Car pour les produits impropres à la consommation, Carrefour s'est associé à Veolia pour la méthanisation de ses déchets. Sur le magasin parisien, ce sont ainsi 51 tonnes qui sont recyclés chaque année.
Quant à l'accusation de Ségolène Royal de "javellisation" de certaines denrées, "cette pratique n'existe pas chez nous, elle est tout bonnement interdite", assure-t-elle.
La plupart des autres distributeurs français sont également engagés dans diverses pratiques anti-gaspillage.
Leclerc, Intermarché et Système U ont noué des partenariats avec la start-up "Zéro gachis", pour instaurer des rayons spéciaux pour les produits à date courte, vendus à tarifs réduits, jusqu'à -70%.
Intermarché a également lancé l'an dernier une vaste campagne pour valoriser les "fruits et légumes moches", d'habitude boudés par les consommateurs et souvent destinés à la poubelle. A la clé: un grand succès d'image mais aussi de ventes pour l'enseigne. L'initiative, portée par le collectif "Les Gueules Cassées", a depuis été étendue à d'autres distributeurs (Auchan, Monoprix).
Enfin, les dons restent monnaie courante: la grande distribution, "avec 31% des dons, est le premier donateur aux associations", indique la FCD (Fédération des entreprises du commerce et de la distribution), qui souligne que le secteur n'est responsable que de 5 à 10% du gaspillage alimentaire en France, loin derrière la restauration (15%) ou les ménages (70%).
"Nous sommes des commerçants. Au-delà des préoccupations environnementales, jeter des choses représente une perte nette pour nous, ce n'est donc vraiment pas notre intérêt de le faire", conclut Mme Mercier.
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