Ayoub El Khazzani, fiché pour islamisme et qui a tenté d'ouvrir le feu dans un train Thalys, nie un acte terroriste et évoque une tentative de braquage, version que ne croient ni les enquêteurs ni les jeunes Américains qui l'ont maîtrisé et seront décorés lundi à l'Elysée.
Le jeune Marocain de 25 ans assurait toujours dimanche avoir trouvé fortuitement la kalachnikov dont il était armé dans une valise dans un jardin public près de la gare de Bruxelles-midi, où il dort étant SDF, et avoir eu l'idée de s'en servir pour détrousser les passagers du Thalys Amsterdam-Paris, dans lequel il est monté vendredi dans la capitale belge, selon une source proche de l'enquête.
Il était "médusé du caractère terroriste attribué à son action", a déclaré à divers médias l'avocate qui l'a assisté aux premières heures de sa garde à vue à Arras, avant son transfert dans les locaux de la Direction générale de la sécurité intérieure (DGSI) à Levallois-Perret (Hauts-de-Seine).
La défense d'Ayoub El Khazzani, dont la garde à vue peut durer jusqu'à mardi soir, n'a pas convaincu les enquêteurs. Son profil d'islamiste radical, repéré par les renseignements de plusieurs pays, les oriente en effet vers une attaque terroriste qui aurait pu virer au carnage. Il semble y avoir une part de préparation et deux téléphones portables retrouvés sur lui étaient dimanche en cours d'exploitation.
La version du suspect a également été balayée par les trois jeunes Américains, dont deux soldats en vacances, qui l'ont maîtrisé, acte de bravoure qui en a fait des héros planétaires.
"Il avait beaucoup de munitions, ses idées étaient vraiment claires", a jugé Alek Skarlatos, 22 ans, lors d'une conférence de presse à l'ambassade américaine à Paris. "On n'a pas besoin de huit chargeurs pour dévaliser un train," a renchéri son ami Anthony Sadler, 23 ans.
Sa kalachnikov "semblait enrayée ou ne fonctionnait pas", a précisé Spencer Stone, 23 ans, blessé au cutter par l'assaillant dans la bagarre. Et El Khazzani "n'avait clairement aucun entraînement au maniement des armes", a relevé Alek Skarlatos, membre de la garde nationale de l'Oregon récemment rentré d'une mission en Afghanistan.
Outre le fusil d'assaut, l'agresseur avait 9 chargeurs garnis, un pistolet automatique Luger et un cutter.
- Petit délinquant -
Les trois jeunes Américains seront reçus lundi matin à l'Elysée, où François Hollande leur décernera la Légion d'honneur, ainsi qu'à un sexagénaire britannique, Chris Norman, intervenu à leurs côtés.
Le passager français ayant en premier tenté de s'interposer face à l'assaillant -qui souhaite toujours garder l'anonymat- ainsi qu'un passager franco-américain blessé par balle pendant l'attaque et toujours hospitalisé seront eux décorés ultérieurement.
D'après les premiers éléments de l'enquête, Ayoub El Khazzani, dont l'identité a été confirmée grâce à ses empreintes digitales, "vivait en Belgique, est monté dans un train en Belgique avec des armes sans doute acquises en Belgique. Et il avait des papiers délivrés en Espagne", a résumé une source proche du dossier.
El Khazzani a vécu sept ans en Espagne, de 2007 à mars 2014. Il y était arrivé à 18 ans, s'installant d'abord à Madrid puis à Algesiras, en Andalousie, où il s'est fait remarquer par des discours légitimant le jihad. Le jeune homme fluet et de taille moyenne y a vécu de petits emplois, et a été détenu une fois pour trafic de drogue selon une source des services antiterroristes espagnols.
Il avait été repéré par les services espagnols qui l'avaient signalé à leurs confrères français. Son signalement a conduit la DGSI à émettre une fiche "S" à son sujet, ce qui a permis de localiser El Khazzani en Allemagne, le 10 mai dernier, lorsqu'il prend un vol pour la Turquie.
Selon les renseignements espagnols, l'homme serait parti de France en Syrie, ce que l'intéressé nie, et serait ensuite revenu dans l'Hexagone.
Huit mois après les attentats contre Charlie Hebdo et un supermarché cacher à Paris, l'attaque déjouée vendredi a conduit la Belgique à renforcer les mesures de sécurité dans les trains et les gares. En France, la SNCF a instauré un numéro vert pour signaler des "situations anormales", mais exclut de mettre en place des contrôles sur les quais comme dans les aéroports.
Le président de la SNCF, Guillaume Pepy, a par ailleurs reçu dimanche l'acteur Jean-Hugues Anglade, qui se trouvait dans le train et accuse les agents de la rame d'avoir abandonné les passagers à leur sort.
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