Derrière l'image du tireur un peu gringalet mis à terre par plus fort que lui dans un Thalys semble se dessiner pour Ayoub El Khazzani un profil déjà vu de marginal, petit délinquant à ses heures, attiré par les sirènes de l'islam radical.
Devant les toilettes de la voiture 12 du Thalys Amsterdam-Paris, un voyageur français se retrouve nez à nez avec un homme, kalachnikov en bandoulière. La suite aurait pu être un carnage si trois jeunes Américains et un père de famille britannique n'avaient pas neutralisé l'agresseur.
Armement lourd, profil d'islamiste radical, signalement des services antiterroristes: l'enquête s'oriente vers la piste d'une attaque terroriste.
Mais depuis samedi, dans les locaux de sa garde à vue au siège de l'antiterrorisme à Levallois-Perret, près de Paris, le tireur présumé joue avec les nerfs des enquêteurs. "C'est une tête de mule", souffle une source proche de l'enquête.
Le Marocain, qui aura 26 ans le 3 septembre, a commencé par nier tout projet terroriste ou être allé en Syrie, expliquant avoir trouvé sa kalachnikov dans une "valise", dans un jardin public près de la gare de Bruxelles-midi, "là où il dort fréquemment avec d'autres SDF", a raconté dans une interview diffusée dimanche sur BFMTV l'avocate commise d'office qui l'a conseillé juste après son arrestation en gare d'Arras vendredi, Me Sophie David.
Selon la version de son client, "très maigre", ne parlant pas français, il aurait voulu détrousser les passagers du train, façon attaque de diligence, "pour pouvoir se nourrir". "Il est médusé du caractère terroriste attribué à son action () Il me dit même +pour moi il ne s'est rien passé+", a ajouté l'avocate.
Electron libre inspiré par la cause jihadiste? Marginal opportuniste? Les enquêteurs sondent son passé de "petit délinquant", "facilement influençable", selon une source proche de l'enquête.
- Petits boulots -
"Il vivait en Belgique, est monté dans un train en Belgique avec des armes sans doute acquises en Belgique. Et il avait des papiers délivrés en Espagne", résume une source proche du dossier.
Circulant dans l'espace Schengen grâce à sa carte de séjour, il est repéré par les radars antiterroristes européens, sans être pour autant réellement surveillé.
Entrecoupé de zones d'ombre, son parcours connu en Europe débute en Espagne où il vit de 2007 à mars 2014. Il y arrive à 18 ans, s'installant d'abord à Madrid puis à Algésiras, en Andalousie, où il se fait remarquer par des discours durs légitimant le jihad. Frisant la marginalité, le jeune homme vit de petits boulots et du trafic de drogue, ce qui lui vaut un séjour en prison, selon une source des services antiterroristes espagnols, les premiers à l'avoir repéré.
L'antiterrorisme espagnol alerte les autorités françaises sur le profil du jeune homme, lié à la mouvance islamiste radicale, ce qui conduit la DGSI à émettre une fiche "S" à son sujet. Le 10 mai dernier, cette fiche "S" "sonne" à Berlin, lorsqu'il s'envole pour la Turquie. Puis, le trou noir.
Selon les renseignements espagnols, l'homme serait parti de France en Syrie et serait ensuite revenu dans l'Hexagone, mais le mystère demeure sur cet hypothétique voyage.
Le parcours d'Ayoub El Khazzani rappelle à certains égards celui de Mehdi Nemmouche et Mohamed Merah, des petits délinquants qui se sont radicalisés avant de commettre une tuerie. Une forme de terreur théorisée par le prédicateur syrien Abou Mous'ab Al Souri.
Selon lui, un autre 11-Septembre n'est pas envisageable, car les services de renseignement repèrent les réseaux et commandos assez rapidement. Il considère qu'il faut radicaliser des jeunes sur le sol occidental via internet, ou dans les prisons, et les inciter à mener des actions isolées de façon à instaurer un climat de terreur.
Pour Alain Bauer, professeur en criminologie au Conservatoire national des arts et des métiers (Cnam), "on est passé de l'hyperterrorisme au terrorisme de proximité".
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