Les Européens ont salué dimanche la décision du président du Bélarus Alexandre Loukachenko de libérer six opposants à moins de deux mois de l'élection présidentielle, y voyant un premier pas vers une possible détente des relations avec un régime jugé jusqu'alors infréquentable.
La grâce, annoncée samedi soir en invoquant des "principes d'humanité" et aussitôt appliquée, vise notamment Mikola Statkevitch, emprisonné peu après la présidentielle de 2010, où il avait recueilli 1% des voix contre près de 80% des voix pour l'homme fort de cette ex-république soviétique.
Accueilli samedi soir à Minsk aux cris de "héros" par environ 200 personnes, l'ancien leader du parti social-démocrate bélarusse a indiqué qu'il allait rencontrer les autres représentants de l'opposition pour réfléchir à une stratégie commune. Manifestement heureux de retrouver la liberté, il a cependant accusé le pouvoir de chercher à donner une légitimité aux élections à venir, auxquelles il ne peut plus se présenter car le délai est passé.
M. Loukachenko, au pouvoir depuis 1994, brigue un cinquième mandat mais l'équation s'est compliquée ces derniers mois pour ce chef d'Etat considéré par de nombreux observateurs et défenseurs des droits de l'Homme comme un dirigeant autoritaire et peu respectueux des libertés.
Concernant son allié traditionnel russe, dont il reste très dépendant économiquement, les relations se sont compliquées à cause de la crise ukrainienne, Minsk s'attachant à conserver une position neutre.
S'il reste isolé des Occidentaux, visé par des sanctions de l'Union européenne, il a retrouvé un semblant de respectabilité en accueillant les pourparlers de paix de février dernier entre les présidents ukrainien Petro Porochenko, russe Vladimir Poutine et français François Hollande, avec la chancelière allemande Angela Merkel. Cette négociation marathon de février dernier a abouti sur les accords de Minsk 2, à l'origine d'un relatif apaisement des combats dans l'Est de l'Ukraine.
L'UE s'est aussitôt félicitée, dans un communiqué, de ces libérations constituant "un progrès important dans les efforts allant dans le sens de l'amélioration des relations entre l'UE et le Bélarus".
Berlin a même assuré vouloir lancer des consultations avec ses partenaires européens pour réfléchir à "un rapprochement plus poussé entre le Belarus et l?Union européenne" qui serait "dans l'intérêt des deux côtés", selon une déclaration du ministère allemand des Affaires étrangères.
"Les élections présidentielles seront essentielles pour réévaluer la situation", a estimé sur Twitter le président du Parlement européen Martin Schulz, rappelant que M. Statkevitch "n'aurait jamais dû être emprisonné".
- Besoin d'aide financière -
Agé de 58 ans, Mikola Statkevitch était le dernier responsable de l'opposition encore emprisonné depuis la répression des manifestations qui avaient suivi la réélection de M. Loukachenko. Il purgeait une peine de six ans de prison pour "troubles massifs", passée presque entièrement à l'isolement.
Le deuxième opposant, Mikola Roubtsev, avait été arrêté alors qu'il portait un t-shirt demandant le départ de M. Loukachenko. Les quatre autres hommes libérés étaient accusés d'appartenir à un groupe d'anarchistes ayant lancé un cocktail Molotov contre des locaux du KGB, l'héritier des services de renseignement soviétiques.
"L'+humanité+ (invoqué par la présidence) est liée à la volonté d'améliorer les relations avec les Occidentaux après les élections", a estimé le politologue bélarusse Alexandre Klaskovski. Pour cet expert, M. Loukachenko veut d'une part "se protéger de l'expansionnisme russe" et obtenir d'autre part une aide financière du Fonds monétaire international.
Le FMI a déjà débloqué en 2009 un plan de sauvetage de l'économie bélarusse, très fermée et planifiée, et refuse désormais tout nouveau crédit faute de réformes structurelles. M. Loukachenko a pour l'heure rejeté ces conditions, accusant l'organisation de servir les intérêts de Washington, mais la situation s'est dégradée ces derniers mois.
La monnaie a chuté et l'économie est plongée en récession, subissant les conséquences de la crise frappant la Russie, et Moscou ne semble décidé à aider Minsk qu'avec parcimonie.
"Loukachenko voit bien la crise économique et la folie politique de la Russie et veut donc améliorer ses relations avec les Occidentaux", a déclaré à l'AFP un reponsable de l'opposition bélarusse, Alexeï Ianoukevitch. "Ce dialogue est impossible sans libérer les prisonniers politiques", a commenté l'opposant.
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