Le président bélarusse Alexandre Loukachenko, candidat pour un cinquième mandat, a remis en liberté samedi six opposants dont l'ex-candidat à la présidentielle Mikola Statkevitch, considéré comme le principal prisonnier politique restant dans cette ex-république soviétique critiquée pour ses atteintes aux libertés.
"Je vais continuer à faire ce que je faisais avant: oeuvrer pour un Bélarus libre", a déclaré M. Statkevitch, qui était emprisonné depuis fin 2010, à son arrivée à la gare routière de Minsk, où environ 200 personnes l'ont accueilli aux cris de "Héros".
"Dans les jours à venir, je veux voir mes proches, voir le soleil parce qu'il ne reste plus qu'une semaine d'été, et dans le même temps je vais rencontrer les représentants de l'opposition pour réfléchir à ce que nous allons faire", a poursuivi le cofondateur du parti social-démocrate bélarusse, cheveux blancs très courts et t-shirt noir, très souriant.
La grâce accordée aux six prisonniers a été annoncée dans un bref communiqué de la présidence invoquant "des principes d'humanisme". Elle intervient trop tard pour que M. Statkevitch puisse se présenter à la prochaine présidentielle, prévue le 11 octobre dans un contexte complexe pour Alexandre Loukachenko. L'homme fort du Bélarus depuis plus de 20 ans fait face à des relations avec Moscou refroidies par la crise ukrainienne et une profonde récession économique causée par la crise frappant la Russie.
Parmi les autres opposants libérés, Mikola Roubtsev avait été arrêté alors qu'il portait un t-shirt demandant le départ de M. Loukachenko, tandis que les quatre autres hommes étaient accusés d'appartenir à un groupe d'anarchistes ayant lancé un cocktail Molotov contre des locaux du KGB, l'héritier des services de renseignement soviétiques.
Âgé de 58 ans, Mikola Statkevitch purgeait une peine de six ans de prison dans un camp de travail à régime sévère. Il a presque passé l'intégralité de sa détention à l'isolement et était menacé de voir sa peine prolongée, officiellement en raison de violations de ses règles de détention.
Reconnu comme un prisonnier d'opinion par Amnesty International, il avait été condamné en mai 2011 pour "organisation de troubles massifs à l'ordre public" après une manifestation de l'opposition fin 2010 contre la réélection controversée de M. Loukachenko. Lors de ce scrutin, Mikola Statkevitch avait obtenu 1% des suffrages.
- "Bonne direction" -
Il était considéré comme le principal opposant encore emprisonné. Le principal adversaire de M. Loukachenko en 2010, Andreï Sannikov, fondateur du mouvement pour la démocratie Charte 97, avait été gracié en avril 2012, un an et demi après avoir été condamné pour avoir appelé à manifester.
En juin 2014, c'est le défenseur des droits de l'Homme Ales Beliatski, dirigeant du centre Viasna ("printemps") aidant les victimes de la répression publique, qui avait été libéré à la surprise générale.
Le secrétaire général du Conseil de l'Europe, Thorbjørn Jagland, a salué "un pas important qui va dans la bonne direction", dans un communiqué.
De son côté, M. Statkevitch a estimé avoir été libéré parce que "la dictature n'a plus d'argent" et que le régime souhaitait donner une "légitimité" à la présidentielle à venir qui devrait sauf coup de théâtre aboutir à la réélection de M. Loukachenko.
Arrivé au pouvoir en 1994, le président bélarusse est considéré par de nombreux observateurs et défenseurs des droits de l'Homme comme un dirigeant autoritaire et peu respectueux des libertés.
Sa dernière réélection, avec près de 80% des suffrages en décembre 2010 pour un quatrième mandat, avait été marquée par une violente répression de l'opposition, qui dénonçait des fraudes.
Coutumier des déclarations provocatrices, le président bélarusse, qui s'est récemment affiché fauchant les foins à la main avec Gérard Depardieu, a récemment fait un retour sur la scène internationale à l'occasion de la crise ukrainienne.
Il a à cette occasion pris ses distances avec Moscou, se gardant de soutenir les séparatistes prorusses de l'est de l'Ukraine, à l'image de nombreux alliés traditionnels de la Russie dans l'ex-URSS qui ont vu d'un mauvais oeil l'annexion de la Crimée.
Il a aussitôt accueilli les pourparlers de paix marathon entre Vladimir Poutine, Angela Merkel, François Hollande et Petro Porochenko aboutissant aux accords de Minsk 2 en février dernier, à l'origine d'un apaisement relatif dans l'Est ukrainien.
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