Peu de femmes sont montées très haut dans la hiérarchie des Khmers rouges, et aucune n'est allée aussi loin que Ieng Thirith, ministre des Affaires sociales du régime totalitaire cambodgien, décédée samedi à l'âge de 83 ans.
A ce titre, elle était l'un des très rares cadres du régime à être poursuivi par le tribunal international parrainé par l'ONU pour génocide, crimes contre l'humanité et crimes de guerre, mais elle avait été libérée en 2012, inapte à être jugée après un diagnostic de démence.
Hospitalisée pendant de longs mois en Thaïlande, elle est décédée samedi à Pailin, dans l'ouest du Cambodge, et est restée "sous contrôle judiciaire" jusqu'à sa mort, a annoncé samedi le tribunal de Phnom Penh, parrainé par les Nations unies.
Paradoxalement, c'est à ses liens familiaux que Ieng Thirith -- de son nom de naissance Khieu Thirith-- a dû son accession aux premières loges d'un système politique sanguinaire qui a tout fait pour briser les familles et réorganiser le corps social.
Intelligente, issue de la haute société cambodgienne, cette fille d'un juge a étudié la littérature en France, à la Sorbonne, à Paris. En 1951, elle y rencontre son futur mari, Ieng Sary, qui fréquente alors les cercles marxisants du mouvement anticolonialiste.
Lorsque les Khmers rouges s'emparent du pouvoir en 1975, Ieng Sary devient ministre des Affaires étrangères et elle ministre des Affaires sociales.
Mais outre ce mariage, la militante était aussi la belle-s?ur de Pol Pot, numéro un du régime décédé en 1998 sans avoir été jugé.
Elle aurait dû théoriquement s'effacer devant sa s?ur Khieu Ponnary, l'épouse du Frère numéro un. Mais celle-ci a souffert très tôt de problèmes mentaux, ce qui l'a empêchée de jouer un rôle politique de premier plan.
D'où ce surnom, peu enviable, de "Première dame" d'un régime responsable de la mort de près de deux millions de personnes.
Le titre de ministre des Affaires sociales paraît relativement mineur dans l'appareil khmer rouge.
On a toutefois prêté à Ieng Thirith une influence notable sur la direction du "Kampuchéa démocratique", qui a notamment institutionnalisé les mariages forcés, dissous les familles, aboli l'éducation.
- Les "sept cercles de l'enfer" -
"Ieng Thirith n'était pas un individu passif qui s'est lié aux Khmers rouges juste par son statut d'épouse de Ieng Sary et de belle-s?ur de Pol Pot", souligne Youk Chhang, directeur du Centre de documentation du Cambodge, spécialisé dans les recherches sur cette période.
"Elle était un membre important du parti qui exerçait un pouvoir au niveau national", ajoute-t-il.
Jusqu'au bout, et longtemps après la chute des Khmers rouges, elle défendra le bilan du régime, avant finalement de rejeter toute responsabilité dans les faits qui lui étaient reprochés et de refuser toute coopération avec l'institution judiciaire.
"Avec la mort de Ieng Thirith, c'est aussi une partie de la justice qui est morte avec elle", a déploré samedi Chum Mey, survivant du régime.
Après la création du tribunal international, elle est arrêtée en 2007 avec son mari dans leur luxueuse villa de Phnom Penh.
En 2009, quoique déjà affaiblie, elle trouve suffisamment d'énergie pour une diatribe devant les juges à qui elle promet "les sept cercles de l'enfer" s'ils l'accusent d'être une meurtrière.
Envie d'afficher votre publicité ?
Contactez-nousA lire aussi
Envie d'afficher votre publicité ?
Contactez-nous
L'espace des commentaires est ouvert aux inscrits.
Connectez-vous ou créez un compte pour pouvoir commenter cet article.