Le parcours en France de réfugiés sri-lankais, confrontés à la vie dans une cité dangereuse : avec "Dheepan", Palme d'or au Festival de Cannes, en salles mercredi, Jacques Audiard signe un film sur la violence, qui se mue en histoire d'amour.
Trois exilés, un ancien combattant des Tigres tamouls, Dheepan, une jeune femme et une petite fille de neuf ans, fuient la guerre civile dans leur pays en se faisant passer pour une famille.
Alors qu'aucun d'eux ne parle français, Dheepan trouve un travail de gardien d'immeuble dans une cité sensible de la banlieue parisienne où règnent dealers et bandes organisées. Il va chercher à s'intégrer et à comprendre la société française, mais se retrouver confronté à une autre brutalité, avant de se muer à nouveau en guerrier enragé pour protéger les siens.
"Ce qui m'intéressait là, c'est de partir de +qu'est-ce que c'est qu'une fausse famille ?+ et qu'à la fin ça devienne une véritable famille. Cet homme là, avant, il se battait pour des raisons politiques. Après, il va se battre juste pour ceux qu'il aime", avait déclaré à Cannes Jacques Audiard, fils du célèbre dialoguiste Michel Audiard.
Il avait créé la surprise en remportant la Palme d'or cette année, pour laquelle il n'était pas cité comme favori.
"L'idée initiale, c'était de faire un remake des +Chiens de paille+", de Sam Peckinpah, film de 1971 avec Dustin Hoffman sur un jeune mathématicien confronté à la violence, avait-il expliqué. "Le film s'est réorienté autour du couple et d'une histoire d'amour".
- 'Plusieurs genres qui s'emboîtent'-
Le réalisateur de 63 ans multi-récompensé - César du meilleur premier film pour "Regarde les hommes tomber" en 1995, César du meilleur film pour "De battre mon coeur s'est arrêté" en 2006, Grand prix du jury à Cannes pour "Un prophète" en 2009 - plonge ici à nouveau dans un univers sombre.
Il explore aussi le thème de l'étranger et des "territoires sur le territoire", comme dans "Un prophète" sur la vie des clans en prison.
Au départ, "je me suis dit qu'il y avait une continuité et donc une trop grande proximité avec +Un prophète+", a-t-il dit à l'AFP. "C'est après, quand la chose s'est ouverte d'une part sur les Tamouls, sur mes acteurs et après sur la possibilité du développement amoureux que j'ai vu que c'était ça qu'il fallait faire".
Le personnage principal est incarné par un acteur non professionnel, Jesuthasan Anthonythasan, aujourd'hui écrivain. Il est lui-même un ancien des Tigres de libération de l'Eelam tamoul (LTTE), qui l'ont enrôlé à 16 ans. Il a fui son pays puis rejoint la France en 1993.
"Je ressemble à 50% à ce personnage", avait-il dit à Cannes.
Jacques Audiard n'a cependant pas voulu faire du conflit qui a déchiré ce pays pendant 37 ans un sujet central, ni faire un film politique.
"Ce qui est apparu assez vite pour moi, c'était de ne pas faire ni un documentaire sur la guerre civile sri-lankaise, ni un documentaire sur les cités, mais de considérer ces deux choses comme un papier peint. Ca fait partie du décor, sans qu'on ait besoin de le décrire", a-t-il expliqué.
Dans "Dheepan", il se plaît à revisiter comme dans ses précédents opus le film de genre à l'aune du cinéma d'auteur, pour mieux le détourner.
Avec ce film, "c'est comme s'il y avait plusieurs genres qui s'emboîtaient les uns dans les autres", a souligné le cinéaste, du film de guerre au film social en passant par le film de justicier.
"C'est comme si l'histoire d'amour dérivait de tous ces genres", a-t-il ajouté.
"Le genre c'est un cheval de Troie (). A l'intérieur va sortir quelque chose, on ne sait pas quoi, probablement l'auteur".
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