Neuf hommes sont morts sous les coups de corne depuis le début de l'été en Espagne au cours des traditionnels "lâchers de taureaux" toujours plus fréquentés, même si certaines municipalités hésitent désormais à les financer.
A Perales de Tajuña, à 38 km au sud-est de Madrid, on n'imagine pas un été sans lâcher de taureaux. "Les feux d'artifices d'abord, puis la procession de la vierge, et enfin les taureaux: ce sont des fêtes qui font l'identité du village", dit la maire, Yolanda Cuenca Redondo.
Dimanche prochain, cette commune de 2.900 habitants verra donc courir les "toros". Mais l'édile de 48 ans s'avoue obsédée par la sécurité: "selon les normes, nous sommes tenus d'avoir deux ambulances classiques et une du service mobile d'urgences et de réanimation, mais nous en aurons cinq, et plus de 40 volontaires seront répartis sur tout le parcours de 800 mètres".
Car, du nord au sud du pays, le seul week-end du 15 août a laissé quatre villages endeuillés par des coups de corne. Des milliers d'internautes ont ainsi vu la vidéo d'un taureau qui, le 13 août à Blanca (sud-est), s'acharnait sur un homme de 55 ans tombé devant les barrières de protection.
Avec neuf morts depuis le début de la saison, le bilan 2015 s'approche du record de 10 victimes en 2009, selon l'agence espagnole Europa Press.
"C'est la fatalité, une accumulation d'accidents due surtout à la multiplication de ceux qui viennent voir les toros", plaide le photographe taurin Alberto de Jesus, directeur de la revue "Bous al carrer".
- Toujours plus d''encierros' -
Selon le ministère de la Culture, 15.848 fêtes taurines ont été organisées en 2014, soit près de 2.000 de plus qu'en 2013. "Il faut dire que les mairies organisent toujours plus d'+encierros+ avant les élections municipales", relève Vicente Ruiz, rédacteur en chef au quotidien El Mundo, et contributeur du blog taurin La Cuadrilla.
La saison des "encierros" bat son plein en août et septembre, pendant les fêtes en honneur du saint patron de chaque village.
Au sens premier, il s'agissait d'enfermer les taureaux dans des enclos attenants aux arènes jusqu'à la corrida. Mais l'encierro désigne généralement un "lâcher de taureaux" pour le plaisir de les voir cavaler et, souvent, de courir avec eux. "Dans 98% des encierros, on ne tue pas l'animal en public, il l'est plus tard à l'abattoir", assure M. Ruiz.
Le plus célèbre des "encierros" est celui de Pampelune (nord), en juillet. Mais certains aficionados vont de village en village toute la saison.
Livreur de gaz butane dans la province de Madrid, Jorge Rosco, 37 ans, court 25 à 30 "encierros" par an, avec toujours les mêmes vêtements fétiches. Dès ses 13 ans, il s'aventurait près de la bête, alors qu'aujourd'hui il faut avoir 16 ans pour participer.
"Plus de sécurité qu'aujourd'hui, ce n'est pas possible, soutient-il. Mais il y a beaucoup plus de gens qu'avant et le danger, c'est qu'il peut y avoir tellement de monde que tu n'arrives pas à grimper sur la barrière".
- 'Pas un jeu' -
Jorge dénonce les imprudents qui viennent "boire et courir, se font des photos, ne respectent pas le taureau, le provoquent Ce n'est pas un jeu. Ce sont des animaux qui tuent. Il faut courir avec ta tête, conscient de ce que tu fais", dit-il.
Le 14 juillet, un touriste français a été tué par un taureau qu'il tentait de filmer avec son téléphone, dans la région d'Alicante (sud-est). Et le 8 août près de Tolède (centre), un Espagnol de 32 ans est lui aussi tombé le téléphone à la main.
Reste que si les "encierros" devenaient 100% sûrs, ils n'intéresseraient plus personne, admet Jorge, vantant "la décharge d'adrénaline" ressentie en risquant sa vie.
Le Parti contre la maltraitance des animaux (PACMA) réclame l'interdiction de ces fêtes taurines "où les morts sont habituelles". "Leur violence est intrinsèque car ils soumettent les animaux à un énorme stress, alors il est normal que se produisent des accidents", dit sa présidente, Silvia Barquero.
Plusieurs municipalités de gauche, élues en mai dernier, ont décidé d'organiser des referendums sur le maintien des fêtes taurines.
Quant au village de Villafranca de los Caballeros (120 km au sud de Madrid), il s'est rendu célèbre pour sa décision de "ne plus subventionner le spectacle taurin" et consacrer les 18.000 euros économisés à l'achat de livres scolaires.
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