Tribun hors-pair, provocateur sulfureux en croisade contre l'immigration, Jean-Marie Le Pen, exclu jeudi à l'instigation de sa propre fille Marine du Front national, a marqué depuis un demi-siècle la vie politique française en faisant sortir l'extrême droite de la marginalité.
Le "Menhir" n'a jamais avoué aucun regret pour ses dérapages, contrôlés ou non, répétés souvent comme ces dernières semaines, qui lui ont valu plusieurs condamnations en justice: des chambres à gaz "point de détail de l'histoire de la Seconde guerre mondiale" (1987, 1997, 2006, 2009 et début avril) à "l'inégalité des races" (1996), en passant par l'Occupation allemande "pas particulièrement inhumaine" (2005).
Obsédé par l'immigration, Le Pen voulait-il vraiment le pouvoir? Beaucoup en doutent et prendront l'exemple même de cette candidature en Paca et de ce "suicide politique", selon le mot de sa fille.
Lui a répondu que le pouvoir, on ne le lui a jamais amené "sur un plateau". En 2005, il lâchait qu'"un Front gentil, ça n'intéresse personne". Et ironisait volontiers : "avant le +détail+ 2,2 millions d'électeurs, après 4,4 millions".
- Le choc du 21 avril 2002 -
Le plus emblématique de ses succès restera inachevé. Le 21 avril 2002, à 73 ans et pour sa quatrième candidature à l?Élysée, il bouleverse la "caste" : il est au second tour.
Pendant 15 jours, des millions de personnes défilent contre le racisme. Mais du même coup, Jean-Marie Le Pen permet la réélection facile de son "ennemi juré", Jacques Chirac.
Reste que durant sa longue carrière, et au fil de cinq présidentielles, il aura réveillé une extrême droite jusque-là disqualifiée par les années noires de la Collaboration.
Né le 20 juin 1928, à la Trinité-sur-Mer (Morbihan), le Breton devient pupille de la Nation à 14 ans quand son père, patron pêcheur, meurt en mer en sautant sur une mine.
A Paris, l'étudiant en droit, fort en gueule, bagarreur, privilégie l'activisme aux études, avant de s'engager en Indochine pour quelques mois.
De retour en France, il devient, en 1956 à 27 ans, benjamin de l'Assemblée nationale sur les listes poujadistes, sur fond de IVe République déclinante. Puis il repart, en Algérie cette fois, ce qui lui vaudra d'être par la suite accusé de tortures, ce qu'il contestait.
- "Boutique familiale" -
Anticommuniste viscéral, M. Le Pen fréquente l'ultra-droite et dirige en 1965 la campagne présidentielle de Jean-Louis Tixier-Vignancour, le défenseur de Pétain.
Après une traversée du désert, l'homme au bandeau est désigné, en 1972, à la tête d'un nouveau parti, le Front national, qui réunit notamment les néofascistes d'Ordre Nouveau. A ses côtés, d'anciens miliciens, Waffen-SS, ou partisans acharnés de l'Algérie française
Le parti végète pendant une dizaine d'années avant de percer, en 1983. Entre-temps, Jean-Marie Le Pen a mis la main sur son thème favori, le rejet de l'immigration et bien souvent des immigrés, accusés de profiter des aides sociales au détriment des Français.
Avec son slogan fétiche, "les Français d'abord", il s'autoproclame champion des "petits", lui qui est devenu millionnaire après avoir hérité en 1976 de la fortune et de la demeure huppée de Montretout (Saint-Cloud) grâce à son ami décédé, Hubert Lambert, un héritage d'abord contesté avant un accord à l'amiable avec la famille.
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