Moe Pwint Oo jette un rapide coup d??il au punching ball avant d'ajuster son coup. L'étudiante est adepte du lethwei, art martial birman particulièrement violent, pratiqué par de plus en plus de femmes qui osent défier le conservatisme ambiant.
Dans ce vieux club de Rangoun, la capitale économique, où le sol est en gravier, les accessoires poussiéreux, les meilleurs boxeurs du pays côtoient des amateurs motivés, des expatriés et une actrice. Et à transpirer pendant les entrainements, il y a autant d'hommes que de femmes attirés par l'intensité et l'authenticité de ce sport.
"Le lethwei est de plus en plus populaire. Je vois beaucoup de mes amis ici. Mais je suis ici pour boxer pas pour voir des gens", explique Moe, jeune étudiante en sciences. Derrière elle, sur un ring improvisé, une Japonaise s'entraîne à donner des coups de pied en rotation.
Chaque pays d'Asie du sud-est possède son art martial national; le plus connu reste la boxe thaïlandaise (muay thaï). Mais les Birmans sont fiers d'affirmer que leur pratique est plus violente encore: les coups sont portés à mains nus et les coups de tête autorisés.
Le tout étant de mettre son adversaire KO, seul moyen de gagner avec l'abandon. Après cinq rounds de trois minutes si aucun combattant n'a flanché, le match est déclaré nul.
"Toutes les parties du corps peuvent être utilisées comme des armes", explique Win Zin Oo, fondateur du club et ancien vice président de la Fédération nationale. Tous les coups sont permis: "coups de poing, de genou, d'épaule, de tête, on peut se lancer".
Une violence qui collait mal à l'idée conservatrice de la femme qui avait cours jusqu'ici en Birmanie. Mais avec l'ouverture du pays, après des décennies de dictature et d'isolement, l'ancienne image de la femme semble progressivement évoluer.
La vue d'un genou féminin ne scandalise plus autant qu'avant. Et même si les femmes continuent majoritairement à se couvrir jusqu'aux chevilles, les mini jupes ont fait leur apparition dans les rues.
Et la Birmanie connaît de plus en plus de femmes influentes, dans les milieux d'affaires mais aussi en politique. La leader de l'opposition, Aung San Suu Kyi, en étant l'exemple le plus flagrant.
"Certaines sont vraiment très, très douées, même en terme de prises de décisions. C'est un peu injuste de dire +Oh les femmes sont faibles, les hommes sont forts+", affirme le vieil entraineur.
- Os brisés -
L'histoire de la Birmanie et du lethwei serait liées depuis des centaines d'années. Sur le temple de Bagan, dans la plaine centrale du pays, les sculptures montrent des hommes en plein combat, suggérant que ce sport est millénaire, affirme Win Zin Oo, qui a été vice-président de la fédération nationale.
Une discipline traditionnellement pratiqué dans les régions de l'est où des combats sont organisés lors des funérailles de moines ou pour célébrer la nouvelle année.
Les tournois sont de véritables affaires de la famille et souvent les parents font combattre également les jeunes garçons. Lors des combats, les spectateurs sont assis tout près des boxeurs: les sons des os qui se brisent leur parviennent et ils sont sporadiquement douchés par le sang, la sueur et la salive.
Originaire de l'Etat Karen, Tha Pyay Nyo a abandonné sa ferme pour devenir boxeur professionnel et espère devenir "célèbre un jour". A 25 ans, il a déjà un palmarès exceptionnel, n'ayant perdu qu'une fois en 150 matchs.
Récemment, il s'est essayé au "combat en cage", mélangeant les arts martiaux. Diffusé à la télévision, ce combat avait pour but mettre en valeur le lethwei, encore peu connu à l'international.
"Je veux que le monde connaisse notre courage à travers la boxe traditionnelle birmane", confie le boxeur.
A son retour en Ecosse, où elle étudie, Moe Pwint Oo devra se contenter de muay thaï, beaucoup plus présent à l'étranger, pour poursuivre son entraînement. Même si elle préfère la version birmane: "Cela vous permet d'être en forme, c'est un sport traditionnel et puis il est très stimulant pour les femmes".
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