Les nombreux châteaux médiévaux en ruine des Vosges alsaciennes n'ont plus de seigneurs depuis des lustres, mais une petite armée de bénévoles veille désormais sur leurs vieilles pierres longtemps délaissées et les entretiennent avec passion.
En grimpant le sentier forestier escarpé menant au château du Schoeneck, dans les Vosges du Nord près de Dambach (Bas-Rhin), le ronronnement d'un générateur se fait entendre, puis une bétonnière apparaît. Le château, dont les origines remontent au 12e siècle et qui avait été démantelé en 1680, est de nouveau en chantier.
"C'est comme un gros puzzle" car même si le donjon, plusieurs tours et murs ont disparu, "le Schoeneck a la particularité d'avoir encore toutes ses pierres" tombées autour de son éperon de grès rougeâtre, explique Gilles Becker, vice-président de l'association "Cun Ulmer Grün", qui entretient et consolide le site depuis 15 ans.
Ce maçon de 38 ans montre fièrement les réalisations de son association: débroussaillages, car "la végétation c'est beau mais ça fait beaucoup de dégâts", consolidation de murailles avec de nouveaux joints de mortier à la chaux
Des membres de l'association travaillent sur place tous les week-ends. "En hiver on creuse, on débroussaille, on fouille. En été on maçonne", explique M. Becker.
Mais même à ce rythme-là, "on en a encore pour 50 ans!" estime Jean, 64 ans, un autre bénévole.
- Jungles, orties et ronces -
Si le Haut-Koenigsbourg, restauré au début du 20e siècle quand l'Alsace faisait partie de l'Empire allemand, draine chaque année plus d'un demi-million de visiteurs, le charme plus pittoresque des quelque 80 ruines de châteaux de montagne en Alsace séduit un nombre croissant de randonneurs. D'autant que leur accès est très souvent libre et gratuit.
Pourtant au début des années 2000, "leur état était assez alarmant: en dehors des chemins d'accès, entretenus par le Club Vosgien, vous étiez dans des jungles, avec des vestiges très peu visibles qui émergeaient de temps en temps des ronces et des orties", raconte Mathias Heissler, architecte du patrimoine au conseil départemental du Bas-Rhin.
Le département a mis en place depuis 2002 un dispositif de "veilleurs" bénévoles, un par ruine, afin de signaler aux autorités compétentes toute évolution ou dégradation nouvelle. Le Haut-Rhin s'apprête à mettre en place un observatoire similaire.
Pour aller plus loin, plusieurs de ces veilleurs ont fondé des associations de protection du patrimoine castral régional. Elles sont aujourd'hui une quinzaine, fortes de 360 bénévoles actifs et regroupées dans un réseau, "Châteaux forts vivants", pour gagner en visibilité et harmoniser leurs procédés.
Certaines organisent chaque été des "ateliers bâtisseurs" ouverts à tous, pour faire découvrir leur travail et susciter des vocations. Elles financent leurs travaux par de petites subventions, des dons de visiteurs et du mécénat d'entreprise.
La quantité de travail accomplie par ces passionnés est "hallucinante", constate M. Heissler. "Des centaines de mètres de murs ont été sauvés. Sans eux, des portes, des tours et des fenêtres ne seraient plus là aujourd'hui".
- Un futur "chemin des châteaux" -
Tout doit cependant se faire dans les règles de l'art. Les chantiers nécessitent l'aval du propriétaire du terrain et sont définis avec la Direction régionale des affaires culturelles (Drac), tandis que tout sondage archéologique implique une supervision scientifique.
"L'enthousiasme débordant des bénévoles est extrêmement précieux pour nous, mais on est là pour rappeler les limites à ne pas franchir, pour éviter des actions contre-productives", tempère Frédéric Séara, conservateur régional de l'archéologie.
Envie d'afficher votre publicité ?
Contactez-nousEnvie d'afficher votre publicité ?
Contactez-nous
L'espace des commentaires est ouvert aux inscrits.
Connectez-vous ou créez un compte pour pouvoir commenter cet article.