La réception envahie de matelas, le bassin vide de la piscine, des huttes de fortune dans le jardin: dans un hôtel abandonné de l'île grecque de Kos, des dizaines de migrants sont livrés à eux-mêmes, l'aide précaire des bénévoles pour seul soutien.
Elle semble loin la visite en grande pompe, au printemps, des autorités locales et l'Etat qui avaient promis de faire de l'hôtel "Captain Elias", un établissement désaffecté à quelques kilomètres du centre-ville, un lieu d'accueil pour les migrants qui arrivent par centaines sur les rivages de Kos chaque semaine.
"Personne n'est venu nous donner à manger depuis quatre jours. Et quand quelqu'un vient, ce n'est jamais assez, nous sommes si nombreux", constate Ersha, 25 ans, débarqué à Kos il y a deux semaines après un périple à travers l'Afghanistan, le Pakistan, l'Iran, puis la Turquie.
Un groupe d'hommes patiente autour du bassin vide de la piscine, des matelas jonchent le sol de ce qui fut la réception, des abris de fortune bricolés avec du carton et des roseaux ont poussé dans tous les coins du jardin.
Les champs alentours servent de salle de bain, les vêtements lavés sont mis à sécher sur la clôture.
L'apparition d'une jeep blanche provoque une clameur et des saluts enthousiastes. Un couple américain entreprend de décharger de la nourriture, de l'eau et des couches pour bébés.
Las, l'épuisement, les privations déclenchent une bagarre entre deux migrants que leurs amis entreprennent de séparer. Des enfants se mettent à pleurer.
Sirus et sa femme Brooke Foot ne sont à Kos que pour deux jours. L'île est une escale pour ce couple de marins professionnels qui vit sur l'eau toute l'année.
"Nous sommes des citoyens ordinaires qui essaient juste de donner un coup de main. Je me demande où sont les gouvernements", observe l'Américain, la quarantaine.
Brooke esquisse un sourire en distribuant des livres de coloriages et des stylos pour les enfants mais elle trouve la situation "désespérée"
"Il n'y a pas suffisamment d'aide, pas suffisamment d'eau, de douches," dit-elle, en regardant autour d'elle.
- 'Jamais rien vu d'aussi triste' -
Après une visite en juillet sur les îles de la mer Egée en première ligne des arrivées de migrants depuis la Turquie, des hauts responsables du Haut Commissariat aux Réfugiés (HCR) avaient rendu hommage au dynamisme des bénévoles, habitants des îles et touristes, sans l'action desquels "les choses seraient bien pire".
Ils avaient aussi mis en cause les autorités locales et nationales pour leur gestion défaillante.
"Il n'y a rien d'organisé pour la distribution de nourriture, rien d'officiel", déplore la porte-parole du HCR à Kos, Stella Nanou, qui appelle les pouvoirs public à mettre en place un centre d'accueil durable.
A Kos, les lacunes de la prise en charge se doublent de démêlés entre le gouvernement et la mairie.
"C'est la ministre de l'Immigration qui a fait de cet endroit (l'hôtel Captain Elias, ndlr) un enfer, c'est à l'Etat de prendre en charge la gestion du lieu. La mairie fait ce qu'elle doit faire et passe débarrasser les ordures trois fois par jour", se défend auprès de l'AFP le maire Georges Kiritzis.
Cette semaine, la ministre déléguée à la politique migratoire, Tassia Christodoulopoulou avait au contraire reproché à l'élu par voie de presse d'avoir "saboté" l'organisation de l'accueil des migrants dans cet hôtel, et ailleurs, "croyant qu'il arriverait de cette façon à arrêter le flux des arrivées".
"Nous essayons de faire de notre mieux", assure Julia Kourafa, une responsable de l'ONG Médecins Sans Frontières (MSF) qui tente d'assister les migrants sur place.
Mais "c'est la chose la plus triste que j'ai vu en Grèce", confie-t-elle.
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