Après une brève accalmie, le bras de fer a repris autour des prix de la viande, déclenché par le refus surprise des poids lourds de l'industrie du porc d'acheter les bêtes aux éleveurs au prix revalorisé mi-juin sous l'égide du gouvernement.
Le ministre de l'Agriculture Stéphane Le Foll a promis mardi que "tout sera mis oeuvre" pour que les cotations du porc redémarrent jeudi au marché au cadran de Plérin (Côtes d'Armor), après le retrait de deux gros acheteurs lundi.
Les moyens de pression du gouvernement sont toutefois limités: le ministre a évoqué "la capacité à négocier, à discuter", souhaitant "que chacun assume ses responsabilités".
Des entretiens téléphoniques avec le leader de la viande Bigard et la coopérative Cooperl, numéro 1 du porc, sont prévus dans l'après-midi, pour tenter de les convaincre de revenir aux achats d'ici jeudi, jour où l'activité est beaucoup plus importante à Plérin que le lundi.
Le Premier ministre Manuel Valls a minimisé les conséquences de leur retrait, soulignant que ce marché "ne représente qu'une petite partie des transactions dans ce domaine" (environ 10-15% des volumes nationaux, ndlr).
Mais trois semaines à peine après le mouvement de colère des éleveurs qui avait paralysé une partie des routes de France, le retrait des deux principaux acteurs de l'abattage de porcs est hautement symbolique.
Ils estiment que le prix convenu au sein de la filière de 1,40 euro/kilo est intenable pour les abattoirs, comparé au prix en Allemagne ou en Espagne.
Ce prix vise à permettre aux éleveurs français de garder la tête hors de l'eau en couvrant leurs frais de production.
"Ce n'est pas un prix politique mais un engagement qui a été pris" par l'ensemble des professionnels, a soutenu M. Le Foll, qui prévoit une nouvelle table ronde fin août.
Mais pourquoi Bigard et Cooperl se retirent-ils du marché précisément cette semaine, après avoir appliqué la hausse en juillet ?
"Cela surprend tout le monde, à commencer par les professionnels. Bigard dit que du côté des salaisonniers, tout le monde ne joue pas le jeu des hausses", explique-t-on dans l'entourage du ministre.
- "Urgence absolue" -
En Bretagne, les représentants porcins ont de nouveau souligné leur profonde détresse.
"Le constat est dramatique pour la filière, du producteur à l?abattage. Ça fait des années que nous dénonçons les très fortes distorsions de concurrence au niveau européen", a déclaré le vice-président du comité régional porcin Michel Bloc'h à Plérin.
"On va peut-être faire une cotation jeudi", a expliqué M. Blo'ch. "On est dans l'urgence absolue, on produit une matière vivante, on ne peut pas garder nos animaux plus de huit jours supplémentaires dans les élevages".
Les éleveurs admettent que la situation est compliquée pour les industriels. Il faut "des moyens pour que les deux entreprises (Cooperl et Bigard) qui ont quitté le marché reviennent. Leur porc à l'exportation est à environ 0,30? de plus que la concurrence", reconnaît M. Bloc'h.
Paul Auffray, le président de la fédération nationale des éleveurs de porc (FNP) parle carrément de "pratiques mafieuses" de la part des industriels allemands et espagnols.
"Les distorsions salariales en Europe tournent à des pratiques mafieuses en Allemagne et en Espagne, on ne peut pas continuer avec des concurrents, chez nos voisins, qui tournent à 5 euros de l'heure et s'assoient sur les normes sociales avec l'approbation de la Commission européenne", a-t-il dit sur Europe 1.
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