La bataille procédurale autour de l'affaire Tarnac continue. Trois jours après le renvoi en correctionnelle de huit militants libertaires, dont Julien Coupat, soupçonnés d'avoir saboté des lignes TGV en 2008, le parquet a fait appel de l'abandon de la qualification "terroriste" par la juge d'instruction.
"Nous faisons appel de l'ordonnance rendue vendredi", a annoncé lundi le parquet de Paris à l'AFP.
Le ministère public demande que la circonstance aggravante d'"entreprise terroriste" soit retenue à l'encontre de trois militants, dont Julien Coupat, leader présumé du groupe, et sa compagne, Yildune Lévy.
Mais pour la juge d'instruction en charge de cette affaire, Jeanne Duyé, l'affaire Tarnac n'est pas un dossier terroriste.
Elle estime que les actes de sabotage dont sont accusés les prévenus ont été commis "dans le dessein patent de désorganiser la SNCF", selon une source proche du dossier. Mais elle considère que "malgré le préjudice occasionné" et "le désagrément causé aux usagers", ces actions n'avaient "pas pour but d'intimider ou de terroriser la population", a ajouté la source.
La juge d'instruction avait donc décidé de renvoyer devant le tribunal correctionnel Julien Coupat, Yildune Lévy et deux autres personnes uniquement pour "association de malfaiteurs" et "dégradations".
"Cette ordonnance était un camouflet difficilement supportable pour le parquet qui reste dans une logique d'entêtement idéologique qui n'a rien de juridique", ont réagi Marie Dosé et William Bourdon, avocats des prévenus.
- Instrumentalisation -
L'affaire Tarnac, du nom du village corrézien où gravitait une petite communauté proche de l'ultra-gauche, avait suscité une vive polémique. Le gouvernement et la ministre de l'Intérieur de l'époque, Michèle Alliot-Marie, avaient été accusés de l'instrumentaliser en insistant sur son caractère terroriste.
"Il y a sept ans nous sommes devenus des terroristes, il y a trois jours, on nous a appris que nous ne l'étions plus, demain nous allons peut-être le redevenir. Cela ne paraît pas très sérieux", a relevé Mathieu Burnel, l'un des prévenus.
Le groupe de Tarnac est soupçonné d'être à l'origine de sabotages de lignes SNCF sur des caténaires dans l'Oise, l'Yonne et la Seine-et-Marne.
Julien Coupat, 41 ans, et Yildune Lévy, 31 ans, ont reconnu leur présence dans la nuit du 7 au 8 novembre 2008 à Dhuisy (Seine-et-Marne) aux abords de la voie ferrée où passe le TGV Est, mais ont toujours nié avoir participé à la pose d'un fer à béton, retrouvé plus tard sur la caténaire.
Tordu en forme de crochet, il avait causé d'importants dégâts matériels au premier TGV du matin, et fortement perturbé le trafic. Pour les agents SNCF interrogés par les enquêteurs, cet acte ne pouvait pas menacer la sécurité des voyageurs.
Pour le parquet, l'enquête a mis en évidence le "basculement dans le terrorisme" de ce collectif, baptisé officieusement "comité invisible, sous-section du parti imaginaire".
A l'appui de cette vision, le ministère public met en avant des extraits du livre "L'Insurrection qui vient" (2007), attribué à Julien Coupat. Cet ouvrage fait l'apologie de modes de sabotage propres à "finaliser la chute de l?État" et désigne le réseau TGV comme cible "aisée".
Pour Julien Coupat, "on est dans une procédure où on ose se baser sur un livre en vente à la Fnac pour justifier une incrimination de terrorisme, ce qui est tout simplement risible".
Outre les faits de Dhuisy, le parquet impute au leader présumé de Tarnac, qui a effectué un peu plus de six mois de détention provisoire jusqu'en mai 2009, une participation à un autre sabotage du TGV Est, dans la nuit du 25 au 26 octobre 2008 à Vigny (Moselle). La juge d'instruction a rendu un non-lieu dans ce volet de l'affaire, mais le parquet a fait appel.
Le dossier Tarnac est désormais renvoyé devant la chambre de l'instruction.
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