Haïti a renoué avec l'ordre constitutionnel en organisant dimanche les premières élections depuis 2011 mais ces législatives ont été marquées par de nombreux incidents parfois violents, une faible participation et un cas de sabotage.
A l'issue de la journée de vote, le conseil électoral provisoire (CEP) s'est toutefois déclaré dimanche soir "globalement satisfait" même s'il reconnait que des incidents et sabotage ont affecté ce premier tour des législatives.
Les 5,8 millions d'électeurs inscrits étaient appelés à élire l'ensemble de leurs députés et deux tiers du Sénat, dans le pays le plus pauvre de la Caraïbe et du continent américain. Plus de 1.800 candidats étaient en lice pour les 139 postes parlementaires à pourvoir pour ce scrutin.
Pierre-Louis Opont, le président du CEP, a expliqué dans une conférence de presse dans la soirée que "4% des centres de vote ont été affectés par des actes de violence" obligeant leur fermeture avant l'horaire prévu par la loi. Selon les estimations du président de l'administration électorale, ce sont environ 290.000 électeurs qui n'ont donc pas pu accomplir leur devoir civique.
D'ici mercredi, les membres du CEP vont décider si les scrutins seront réorganisés dans les circonscriptions concernées.
Refusant de fournir une estimation sur l'ampleur de la participation, Pierre-Louis Opont a néanmoins reconnu qu'"il n'y a pas eu d'encombrement" dans les bureaux. Le président du CEP s'est également refusé à fournir un bilan des violences qui ont émaillé la journée de vote.
"Même s'il y a eu des incidents dans quelques centres de vote, en général les problèmes se corrigent," a déclaré à l'AFP Elena Valenciano, chef de la mission d'observation électorale de l'Union européenne.
Et c'est sur un ton ferme que le CEP a affirmé dimanche soir qu'il allait "sévir là où on devra sévir. Le CEP ne va pas rester les bras croisés : on va réagir."
- Sabotage -
Le président de l'administration électorale a notamment expliqué qu' "il y a des gens qui délibérément ont décidé de saboter le système." Directement mis en cause : un chef de service du CEP qui serait "parti vendredi soir avec un stock de mandats et le matériel de fabrication" de ces accréditations servant aux représentants des partis politiques.
Légalement, tout candidat au poste de député ou sénateur peut être représenté par un mandataire dans les bureaux de vote de sa circonscription. Mais samedi soir et dimanche matin, les partis politiques ont exprimé leur colère de ne pas avoir pu obtenir les accréditations nécessaires pour que leurs représentants veillent à la bonne tenue du vote.
Le fonctionnaire du CEP mis en cause "est en cavale et est aujourd'hui recherché" a expliqué Pierre-Louis Opont. "Le CEP a porté plainte car c'est un comportement pouvant porter préjudice à l'Etat."
Lors d'une interview avec l'AFP, José Enrique Castillo Barrantes, le chef de la mission d'observation électorale de l'OEA a salué le CEP qui "a ton d'autorité pour se faire respecter : c'est la meilleure chose que l'on peut espérer".
En accord avec la loi électorale, aucun média, parti, ou citoyen n'est encore autorisé à publier des résultats, même partiels. Ce n'est qu'après vérification de tous les documents au centre de tabulation, situé dans la capitale Port-au-Prince, où les procès-verbaux sont collectés et examinés, que les premiers résultats seront officialisés par le CEP.
Selon le calendrier électoral, le verdict de ce premier tour des scrutins législatifs sera rendu public le 19 août. Les partis politiques et candidats auront alors trois jours pour contester les résultats. Après délibération par les tribunaux électoraux, les résultats définitifs devraient être publiés le 8 septembre.
Avec ces élections législatives, Haïti ouvre un long processus électoral. Outre ses parlementaires, le pays s'apprête, d'ici la fin de l'année, à élire l'intégralité de ses maires et élus locaux ainsi que son futur président de la République.
En raison d'une crise profonde entre le chef de l'Etat Michel Martelly et l'opposition, aucun scrutin n'a pu être organisé en Haïti depuis 2011, alors que le pays peine toujours à se relever du terrible séisme de 2010, qui a encore aggravé une situation économique et sociale déjà catastrophique.
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