Éparpillés sur une colline battue par le vent, une soixantaine de colosses en granit veillent sur la campagne en contrebas, et donnent à la "Vallée des Saints", au c?ur de la Bretagne, un petit air d'Île de Pâques contemporaine, de plus en plus prisé des visiteurs.
Loin des plages, quelque 100.000 personnes ont déambulé l'an dernier à Carnoët (Côtes d'Armor) entre ces "statues-menhirs" d'au moins trois mètres de haut.
Pesant plus d'une dizaine de tonnes, elles représentent des saints bretons, personnages plus ou moins légendaires venus de Grande-Bretagne pour évangéliser la Bretagne à partir du Ve siècle: Saint Malo, Saint Lunaire, Saint Hervé, Sainte Gwenn aux trois seins et même le généreux Saint Emilion qui, avant de donner son nom au célèbre grand cru, a vécu en Bretagne
Inaugurée en 2012, la "Vallée des Saints", qui accueille une dizaine de nouveaux géants par an, veut "sauver de l'oubli tout un patrimoine de culture populaire bretonne", explique Philippe Abjean, vice-président et cheville ouvrière de l'association à l'origine du projet.
- Saints et dragons -
A (long) terme, pas moins d'"un millier" de statues devraient s'élever sur les flancs de la colline.
Chaque saint "a fondé une paroisse et, autour de ces mythes de fondation, se sont greffées des légendes racontant les exploits de ces personnages qui terrassaient les dragons, faisaient jaillir des sources: ces récits merveilleux, c'est notre mythologie, qui n'a rien à envier à la mythologie grecque", s'enthousiasme ce professeur de philosophie, bientôt en retraite.
Aux dimensions culturelle et spirituelle du projet - même si l?Église reste à distance - s'ajoute la volonté "d'apporter de l'oxygène" et contribuer au développement touristique du centre de la Bretagne, frappé par la désertification et la crise de l'élevage, précise Philippe Abjean, qui table sur 250.000 visiteurs par an d'ici 2020.
Financées par des mécènes voulant voir s'ériger le saint emblématique de leur ville, les statues, qui coûtent une dizaine de milliers d'euros chacune, sont taillées dans des blocs de granit, - bleu, gris, rose, mais toujours breton, par des sculpteurs accueillis en résidence pendant un mois.
Ils doivent "faire du monumental, car ces saints étaient hors norme, leur donner un visage et représenter leur attribut", explique Philippe Abjean. "Pour le reste, on laisse libre cours à leur créativité".
- Poussière et bruit de meuleuses -
De fait, on est loin de conventionnelles statues d'église.
Saint-Merec qui, comme le Petit Prince, rencontra un renard, est représenté sous les traits du héros de Saint-Exupéry, en kabig (veste bretonne, ndlr), tandis que Saint Riom arbore un large sourire et que les enfants s'en donnent à c?ur joie en chevauchant Saint Thurien, un ancien berger, allongé sur les pâtures.
"On a du mal à retrouver la +patte+ du sculpteur, tellement les statues sont originales", commente Gilles Guillaume, venu du Morbihan pour visiter la Vallée des Saints, gratuite et accessible 24 heures sur 24. "Elles sont modernes et en même temps elles représentent des gens qui ont plus de mille ans", poursuit-il, un brin déconcerté par la configuration des lieux : "on s'attendait à une vallée et on est sur une butte", sourit-il.
Les géants de granit ne sont pas les seules vedettes : des visiteurs s'arrêtent aussi pour observer, de loin en raison des risques de projection d'éclats, le travail de forçat des sculpteurs qui peaufinent les saintes Eodez et Azénor, dans la poussière et le bruit des meuleuses.
Le travail du granit est "dur, il faut vraiment aller y chercher la beauté", témoigne Inès Ferreira, 33 ans, près d'un bloc de pierre où elle trace du doigt les contours de sa future Sainte Enora, qui en naîtra d'ici un mois.
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